contraire, depuis plusieurs années, l’armée française comptait parmi ses chefs et même parmi les officiers subalternes, nombre de militaires qui avaient appris leur métier en Hollande ou servi avec les disciples du roi de Suède ; sous leur inspiration la tactique se réglait, se modifiait par degrés ; jusqu’à ce jour, aucun succès éclatant n’avait consacré ces réformes encore timides et obscures ; mais vienne le vrai capitaine qui saura mettre en œuvre ce travail préparatoire, et la semence portera ses fruits. A côté des gens de métier qui tiraient sagement profit des résultats de leur expérience, il y avait aussi dans nos rangs des étourdis qui voulaient tout mener à la mode suédoise ou hollandaise, comme on a vu, dans d’autres temps, certains imitateurs serviles copier maladroitement Frédéric et ses continuateurs ; d’autres, par réaction contre l’engouement ou seulement par ignorance, restaient rebelles au progrès. Au quartier-général d’Amiens, la routine était représentée par L’Hôpital, l’esprit nouveau par Gassion et par Sirot, moins brillant, plus complet. Nous ayons vu comment le duc d’Anguien, prenant possession de son commandement, rencontra ces trois hommes, quelle situation ils occupaient au moment où le jeune général survenait presque seul, devançant ses instructions, ses officiers, ses troupes, cherchant des nouvelles, et nous avons quitté l’état-major français pendant ces premiers temps d’inaction forcée, pour jeter un coup d’œil au-delà de la frontière et connaître l’adversaire avec lequel Anguien allait croiser le fer.
Six jours après son arrivée, le 21 avril, il reçut les instructions du roi, datées du 16. Aucun plan ne lui était tracé, aucune entreprise ne lui était indiquée. Sa mission était de pénétrer « les desseins des ennemis et d’en empescher l’effect. » Il devait régler ses mouvemens sur ceux de l’adversaire, repousser les incursions sur les terres du roi et secourir les places attaquées ; « Sa Majesté ne pouvant lui prescrire rien de particulier sur ce sujet, mais seulement de faire ce qu’il jugera estant sur les lieux par le conseil du sieur du Hallier,… sans s’engager à rien dont l’issue ne doive estre, par toutes les apparences humaines, glorieuse pour les armes de Sa Majesté ; » et comme pour rendre la tâche plus ardue encore, le roi se réservait la disposition d’une partie des forces qu’il mettait aux ordres de son jeune cousin. Ainsi les troupes qui avaient rendez-vous sur la Somme et sur l’Authie, ou qui étaient encore disséminées dans diverses garnisons constituaient l’armée de Picardie proprement dite. Quant aux deux corps que le marquis de Gesvres réunissait dans la vallée de l’Oise entre Guise et Chauny, le duc d’Anguien ne pouvait les appeler à lui que pour une grande occasion, successivement, et de telle sorte que sa majesté pût toujours