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essuyées à Honnecourt ; le nombre de chevaux affectés aux bouches à feu et au parc ne dépassa pas quatre cents. Un homme entendu et dévoué, La Barre, lieutenant du grand maître, dirigeait ce service, qui était une sorte d’entreprise : il ne put atteler que douze pièces de campagne. Les hôpitaux se préparaient, les magasins se remplissaient ; d’après les ordres du roi, tout était disposé pour la défensive.

L’état-major général et l’état-major particulier se constituaient. Il faut bien se servir de notre langue moderne pour parler de ce qu’on n’avait pas encore songé à définir. Si peu précisés que fussent alors des attributions sur lesquelles on n’est pas, même de nos jours, complètement d’accord, il n’en fallait pas moins des instrumens pour faire connaître ou exécuter la pensée du général, des intermédiaires entre lui et les troupes. Le commandant en chef avait auprès de lui d’abord un « lieutenant-général[1] » chargé de le seconder ou de le remplacer en cas d’empêchement, puis des maréchaux de camp en nombre variable. Hors le cas des commandemens séparés, comme celui que Gassion exerçait à Doullens en vertu de sa charge, et Gesvres, par pouvoir spécial, à Chauny, ces officiers-généraux n’avaient ni emploi fixe, ni tour de service, ni même un rang bien marqué. Ils recevaient des missions temporaires, la direction d’un détachement ou d’une attaque durant un siège ou d’un groupe de troupes dans un jour d’action. Pour donner des ordres de route ou de logement, régler les mouvemens et la formation sur le terrain, le général en chef était assisté par le « maréchal et les sergens de bataille. » Des « aides-de-camp » et des « volontaires » transmettaient ses ordres et combattaient à ses côtés quand on menait les mains.

Espenan, doyen des maréchaux de camp, employé sur cette frontière en 1643, alla occuper à Chauny la place que Gesvres laissait vacante en prenant un congé. M. le Duc n’avait à redouter aucune velléité d’indépendance chez ce nouveau lieutenant que le prince de Condé venait de sauver de la disgrâce et peut-être de l’échafaud ; des accidens moins graves que la reddition de deux places telles que Salces et Tarragone avaient coûté la vie à plus d’un officier. Gascon, sans sou ni maille, placé par d’Épernon dans le régiment des gardes, puis subitement poussé par Richelieu avec grand soupçon d’espionnage, Espenan avait médiocre réputation, et, quoique entendu au détail de l’infanterie, il passait pour n’être pas heureux à la guerre[2]. Après lui venait le marquis de La Ferté,

  1. Pourvu non d’un grade, mais d’une commission.
  2. Roger de Bussolts, comte d’Espenan, baron de Luc, enseigne en 1620, sergent de bataille en 1633, commande successivement un régiment de cavalerie armé à la hongroise et un régiment d’infanterie ; maréchal de camp en 1637, sert sous le prince de Condé en 1638, 1639 et 1640 (voir livre III, ch. II), défend et rend la place de Salces dont il était gouverneur, capitule une seconde fois dans Tarragone, employé au siège de Perpignan en 1642. Il avait épousé Paule d’Astarac de Fontrailles sœur de ce Fontrailles qui joua un rôle considérable dans l’affaire de Cinq-Mars. Il mourut en 1146, gouverneur de Philipsbourg.