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et religieux, réprimant toute indépendance de pensée, toute velléité de libéralisme au nom de l’orthodoxie, imposant à quiconque le servait la pratique extérieure des sacremens de l’église, donnant des sanctions pénales à des préceptes qui ne doivent intéresser que la conscience individuelle et s’efforçant, en retour de ces marques d’un zèle affecté, de mettre le clergé aux gages de sa police tracassière, on pouvait craindre que la ruine de cet édifice d’oppression et d’obscurantisme, qui avait si longtemps pesé sur le pays, n’amenât un déchaînement de passions antireligieuses, une guerre ouverte au catholicisme et à tout ce qui y tient, quelque chose dans le genre de la furieuse campagne anticléricale que nos radicaux poursuivent avec un acharnement si aveugle. Le danger devait paraître grand surtout dans un pays dont le gouvernement, sur le terrain politique, était par la fatalité de ses origines en lutte ouverte avec la papauté et devait longtemps encore y rester dans l’avenir. Mais ici sont heureusement intervenus ce bon sens et cette modération pratique qui appartiennent au caractère italien et ont empêché les hommes d’état de ce pays de compliquer d’une guerre au pouvoir spirituel la question, bien assez épineuse déjà par elle-même, du pouvoir temporel. De part et d’autre, on a été prudent. Le clergé du royaume de Naples, au lendemain des événemens de 1860, s’il avait voulu prendre parti pour le gouvernement tombé et prêcher la croisade comme en 1799, était en mesure de déchaîner sur le pays une guerre civile terrible, et les excitations de l’étranger ne lui faisaient pas faute à cet égard ; son patriotisme ne l’a pas voulu. En revanche, le nouveau gouvernement a évité avec soin de lui témoigner une hostilité systématique ; il s’est borné à le soumettre aux lois générales du royaume, en apportant d’ailleurs à leur application tous les tempéramens qui ne contredisaient pas les termes de ces lois. Qu’en est-il résulté ? Que le clergé, dans toutes les provinces méridionales, sous le régime de l’Italie nouvelle, a gardé intacte son ancienne puissance morale sur la masse populaire, et que le gouvernement, qui ne rencontrait pas chez lui une opposition déclarée, lui a fait largement sa part dans l’organisation de l’instruction publique. Dans toute cette région, il n’existe pour ainsi dire pas un lycée de l’état ou un collège communal, un institut technique gouvernemental ou municipal qui ne compte quelque prêtre comme proviseur, directeur des études, censeur ou professeur. Je pourrais citer tel lycée où le proviseur, qui est un des mille de Garibaldi, vit en parfaite intelligence avec l’ecclésiastique qu’il a pour directeur des études. Sans doute, il y avait à cette manière d’agir une nécessité absolue dans l’état du pays. Il eût été matériellement impossible de constituer un personnel suffisant d’enseignement secondaire sans faire appel au concours des membres du clergé. Mais