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des États-Unis, était presque entièrement conquise aux idées nouvelles. Dans le Massachusetts, cent vingt-cinq congrégations rompirent avec le calvinisme et, parmi elles, les trois premières églises que les « pères pèlerins » avaient fondées sur les rivages de l’Amérique. À ce chiffre il convient d’ajouter les nombreuses églises libres qu’à l’instar des calvinistes, les unitaires ne manquèrent pas de fonder partout où ils avaient dû quitter l’église officielle. Dans les états voisins, le mouvement fit des progrès moins sensibles, mais des congrégations, qui devenaient autant de centres pour la propagande, s’établirent successivement à Baltimore, à New-York, à Charleston, à Philadelphie, à Washington et jusque dans les villes de l’Ouest. En 1825, fut fondée à Boston, — malgré les répugnances de ceux qui craignaient, en se donnant une organisation ecclésiastique, de marcher à la constitution d’une orthodoxie, — l’American unitarian Association « pour répandre la connaissance et favoriser les progrès du pur christianisme. »

En résumé, la réforme unitaire représentait une double tentative : d’une part, pour donner au christianisme une forme plus humaine, plus rationnelle, plus conforme aux exigences du siècle ; d’autre part, pour substituer, dans la formation des églises, la communauté des sentimens religieux à l’identité des croyances dogmatiques. De ces deux caractères, le premier, qui paraissait aux contemporains le plus audacieux, était en réalité le moins important pour l’avenir de l’unitarisme. En supprimant la base théologique de l’église, les unitaires donnaient à la religion l’élasticité nécessaire pour s’accommoder de toutes les transformations que pouvait exiger le développement ultérieur des connaissances scientifiques ; ils en faisaient une religion indéfiniment progressive, comme l’esprit humain lui-même. Leurs innovations doctrinales, au contraire, — si radicales qu’elles fussent pour l’époque, — ne pouvaient représenter qu’un état transitoire, un moment dans l’évolution religieuse des esprits. En effet, Channing et ses coreligionnaires restaient fidèles à la théologie que Locke avait mise en faveur parmi les églises protestantes. D’après cette école, puisque toutes nos conceptions proviennent des sens et que ceux-ci sont incapables de nous donner l’idée de l’être infini et absolu, Dieu n’a pu se faire connaître à l’homme que par une révélation surnaturelle. Or c’est l’Écriture sainte qui nous fournit cette révélation dont l’authenticité est suffisamment attestée par l’accomplissement des prophéties et par l’intervention des miracles. Seulement c’est à la raison d’interpréter et de préciser, à l’aide de ses procédés habituels, le sens et la portée de la révélation.

On saisit aisément le point faible de cette argumentation, qui reposait tout entière sur la validité des témoignages historiques en