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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/646

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principe du libre examen avec toutes ses conséquences. » L’association ne prit donc aucune résolution contre l’audacieux réformateur ; mais toutes les chaires de Boston lui furent désormais fermées. Cette situation se prolongea jusqu’en 1845, Les partisans de l’excommunié s’assemblèrent alors en meeting pour décider que « Théodore Parker aura une chance de se faire entendre à Boston. » — Ils lui louèrent une salle de concert, le Mélodéon, dans l’espoir qu’il y réunirait bientôt les élémens d’une congrégation. Dès les premières semaines, le chiffre des auditeurs dépassa toute attente, et leur persistance à reparaître chaque dimanche prouva que le succès du prédicateur n’était pas dû à un intérêt de curiosité, mais à l’attrait de ses doctrines. Au bout de six ans, la salle émit devenue trop petite et il dut s’installer dans un local plus vaste où, de 1852 à 1859, il publia la bonne nouvelle devant plusieurs milliers de fidèles, sans compter les conférences qu’il multipliait sur tous les points du pays.

Parker peut être considéré comme l’interprète le plus net et le plus logique des principes transcendantalistes. Il estimait que l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et les commandemens du de voir s’imposent directement à la connaissance humaine. « Le fait de connaître l’existence de Dieu, dit-il, peut s’appeler, dans le langage de la philosophie, une intuition de la raison, et, dans le langage mythologique de la vieille théologie, une révélation de Dieu. Ce fait ne repose sur aucun argument, il ne procède pas du raisonnement, mais de la raison… La croyance précède la preuve, car c’est l’intuition qui fournit la chose sur laquelle on raisonne. » Cette doctrine, Parker l’applique non-seulement, dans la théologie et dans la morale, mais encore dans la science et dans la politique. C’est elle qui inspire exclusivement son premier ouvrage, le Discours sur des matières relatives à la religion, aussi bien que son essai posthume sur le Transcendantalisme, et qui explique l’unité de sa vie comme l’importance de son rôle.

La prédication de Parker, qui s’étend de 1847 à 1859, correspond au principal épanouissement du transcendantalisme. Ce fut également l’âge d’or de Boston et, peut-on ajouter, de la littérature américaine. Le milieu de ce siècle a vu, sur l’étroit territoire du Massachusetts, une de ces merveilleuses floraisons qui se reproduisent rarement dans la culture morale d’un peuple. Channing s’était éteint en 1842 ; mais on peut dire que Parker l’avait dignement remplacé à l’avant-garde du rationalisme religieux. A côté d’Emerson, philosophe et poète, Bancroft portait les principes du transcendantalisme dans l’hisioire. Sumner dans le droit des gens, Alcott dans la pédagogie, Whittier dans la poésie, Margaret Fuller dans, la critique ; Oliver Wendell Holmes se révélait comme humouriste ;