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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/718

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telle façon que, sous toutes les formes, les ressources nationales sont visiblement à bout. Il faut bien cependant sortir de là. On ne peut aller plus loin sans risquer la fortune de la France à la première crise un peu sérieuse, et, d’un autre côté, on ne peut suspendre brusquement tant de travaux engagés de toutes parts sans multiplier les ruines, C’est le problème pressant, irrésistible, devant lequel le gouvernement se trouve placé. M. Léon Say le posait l’autre jour nettement dans son discours de Lyon, et, au premier rang des conditions nécessaires pour le résoudre, il mettait la paix intérieure. « La richesse, disait-il, ne se forme que dans le calme et ne se développe que dans une atmosphère de tranquillité. » Oui, sans doute ; mais pour avoir ce calme, cette tranquillité, il faut en revenir à la politique qui les garantit, non pas seulement dans un jour de manifestation, mais dans tous les actes de la vie publique, — et c’est là justement toute la question.

Les plus grands pays du monde ne sont pas à l’abri d’un attentat, d’une violence de faction, et l’Angleterre a eu tout récemment, en pleine ville de Londres, à deux pas du parlement, pendant une séance de la chambre des communes, son explosion de dynamite qui n’est sans doute qu’un incident des agitations irlandaises ; mais les nations comme l’Angleterre puisent dans leur propre constitution, dans leurs mœurs, dans leur tempérament assez de force pour n’être point à la merci d’un incident, d’une folie sinistre des conspirateurs de la destruction. Le seul résultat possible d’un attentat comme celui qui a épouvanté Charles-Street, qui heureusement n’a fait que des ruines matérielles sans coûter la vie à un être humain, est peut-être de rendre plus difficile l’œuvre de réforme que M. Gladstone a entreprise au profit de l’Irlande, pour laquelle il a été obligé plus d’une fois de vaincre les répugnances du parlement, les hésitations de ses amis eux-mêmes. Un autre résultat est de contraindre dès aujourd’hui le gouvernement à s’armer pour la défense publique, à ne pas faiblir dans ses répressions en Irlande, à s’assurer de nouveaux moyens de police et de protection à Londres. C’est ce qu’il a fait.

Ce n’est pas d’ailleurs sa seule préoccupation, ou du moins ce n’est là pour lui qu’un incident importun au milieu des vastes affaires qu’il ne cesse de poursuivre dans le monde, où la politique britannique se trouve engagée. Le cabinet de Londres, — à part cette question de la navigation du Danube qui a été réglée en conférence et au sujet de laquelle lord Granville vient d’adresser une circulaire à toutes les puissances, à part des embarras qui semblent renaître dans le Transvaal, même dans l’Inde, — le cabinet de Londres a toujours sur les bras cette affaire égyptienne qui ne finit pas. Le ministère anglais se sent véritablement dans des conditions difficiles, et les documens diplomatiques qu’il vient de publier, aussi bien que quelques récens débats du parlement, sont l’expression assez sensible, assez curieuse de ses