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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/774

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il ne peut nous donner que la quantité, et ici elle est bien peu au prix de la qualité. » Les résultats de la statistique de M. Galton n’ont pu sortir du vague, malgré leur apparente rigueur. Qu’est-ce, je le demande, qu’un homme éminent, qu’un homme illustre, qu’un homme remarquable ? Toute la statistique est fondée sur cette distinction de termes, qu’il faudrait d’abord éclaircir. On peut avoir été remarquable pour la notice nécrologique du Times, en l’année 1868, et être aujourd’hui classé parmi les obscurs dont les honnêtes légions remplissent dans l’histoire les intervalles des grands noms. Et puis, pourquoi les hommes éminens sont-ils moins nombreux de moitié dans ces statistiques que les illustres ? Où finit l’éminence ? Où commence l’illustration ? Qui peut mesurer ces différences ? Et la mesure n’est-elle pas entièrement subjective ? Tout cela est, en vérité, plus curieux qu’utile et ne conclut guère.

L’hérédité mentale se marque beaucoup plus clairement dans les faits collectifs ou généraux, ceux qui intéressent les races et les nations. Autant les informations, qu’on nous donne sur les individus, leurs ascendans et leurs descendans, nous paraissent vagues, contestables, dénuées de rigueur et de précision, autant les observations tendent à se préciser sous la forme ethnologique. On dirait qu’alors l’hérédité s’imprime en plus gros caractères sur les masses humaines. Il y a des manières de penser et de sentir très vives et très particulières qui se transmettent dans un peuple et font sa marque distinctive au milieu des autres groupes de l’espèce humaine. Qui peut nier la permanence de ce qu’on appelle le caractère national ? C’est sur ce fait considérable que Lazarus et Steinthal ont jeté les fondemens d’une Psychologie des peuples, « qui a pour but de déterminer la nature de l’esprit d’un peuple et de découvrir les lois qui règlent son activité interne ou spirituelle, ou idéale, dans la vie, dans l’art et dans la science. » Est-il possible de méconnaître l’étrange parenté qui unit, à travers leurs pérégrinations, leurs exils divers et leur fortune errante, mais toujours accrue, toutes les branches du peuple d’Israël ? Qui ne connaît les traits distinctifs de sa physionomie intellectuelle et morale, plus sensibles encore que les traits de sa conformation physique ? Et les Chinois, à mesure qu’ils se répandent à travers le monde, ne gardent-ils pas le signe indélébile de leurs facultés mentales, le don prodigieux d’assimilation, sans aucun don d’invention ? Et quand cette race prolifique aura envahi de sa domesticité et de son industrie à bon marché la vieille Europe, comme elle est en train d’envahir le Nouveau-Monde, croit-on qu’elle modifiera de sitôt quelque chose à sa manière de comprendre et de sentir la vie ? — Le Gaulois que nous décrivaient Strabon, Diodore, César, ne revit-il pas dans le Français du XIXe siècle avec sa vanité incurable, sa légèreté d’esprit,