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« le muscadin crève dès la première campagne[1] ; » il nous faut des jeunes gens capables de résister aux privations et à la fatigue endurcis, comme Emile, « par un métier pénible, » et par les exercices du corps. Sur cette partie de l’éducation, nous n’avons encore que des projets ; mais la concordance des ébauches suffit pour manifester le sens et la portée de notre principe. « Tous les enfans sans distinction et sans exception, dit Lepelletier de Saint-Fargeau[2], les garçons de cinq à douze ans, les filles de cinq à onze ans, sont élevés en commun aux dépens de la république; tous sous la sainte loi de l’égalité, recevront mêmes vêtemens, même nourriture, même éducation, mêmes soins, « dans des internats distribués par cantons et contenant chacun de quatre à six cents élèves « Les élèves seront pliés tous les jours et à tous les instans sous le joug d’une règle exacte... Ils seront couchés durement, leur nourriture sera saine mais frugale, leur vêtement commode, mais grossier » Point de domestiques : les enfans se servent eux-mêmes, et, en outre servent les vieillards et les infirmes logés avec eux ou auprès d’eux. « Dans l’emploi de la journée, le travail des mains sera la principale occupation, tout le reste sera accessoire. » Les filles apprendront à filer, à coudre, à blanchir; les garçons seront cantonniers, bergers, laboureurs, ouvriers; les uns et les autres travailleront à la tâche, soit dans les ateliers de l’école, soit dans les champs et les manufactures du voisinage; on louera leur temps aux industriels et aux cultivateurs des environs. — Saint-Just précise et serre encore davantage[3]. « Les enfans mâles sont élevés depuis cinq jusqu’à seize ans pour la patrie. Ils sont vêtus de toile dans toutes les saisons, ils couchent sur des nattes et dorment huit heures Ils sont nourris en commun et ne vivent que de racines, de fruits, de légumes, de laitage, de pain et d’eau. Ils ne mangent point de viande avant seize ans accomplis... Depuis dix ans jusqu’à seize ans, leur éducation est militaire et agricole. Ils sont distribués en compagnies de soixante; six compagnies font un bataillon; les enfans d’un district forment une légion ; ils s’assemblent tous les ans au chef-lieu, y campent et y font les exercices de l’infanterie dans des arènes préparées exprès ; ils apprennent aussi les manœuvres de la cavalerie et toutes les évolutions militaires. Ils sont distribués aux laboureurs dans les temps des moissons. A partir de seize ans,

  1. Parole de Bouquier, rapporteur. (Séance du 22 frimaire an II.)
  2. Buchez et Roux, XXIV, 57. Plan de Lepelletier Saint-Fargeau, lu par Robespierre à la Convention, le 13 juillet 1793. — Ibid., 35, projet de décret par le même.
  3. Ibid., XXXV, 229. (Institutions, par Saint-Just.)