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les généralités qui sont exactes lorsqu’on parle de la situation des ouvriers deviennent autant de contre-vérités lorsqu’on parle des ouvrières. Nous examinerons donc séparément ce qui concerne les uns et les autres.

Commençant par les ouvriers, on peut distinguer, entre les différens métiers qu’exercent les hommes à Paris, trois natures de professions. Les unes, qui sont nécessairement en assez petit nombre, supposent non-seulement une instruction professionnelle poussée assez loin, mais un certain don artistique ou un certain développement de l’intelligence, et par suite ne nécessitent pas un grand déploiement de force physique. Telles sont, par exemple, les diverses professions de graveur, de sculpteur, de dessinateur, de peintre sur porcelaine, de ciseleur, de compositeur typographe, etc. Dans ces industries, le salaire rémunère beaucoup moins l’effort physique que l’habileté et l’intelligence qui constituent une sorte de monopole individuel.

Une seconde catégorie de professions suppose chez ceux qui les exercent la réunion d’une certaine éducation professionnelle plus ou moins longue à acquérir et d’une certaine vigueur physique sans laquelle l’exercice même de la profession ne saurait être entrepris. Telles sont, par exemple, les diverses professions qui se rattachent à l’industrie du bâtiment ou du meuble : maçons, charpentiers, menuisiers, ébénistes, tapissiers, ou bien encore celles qui se rattachent à l’industrie du fer : ajusteurs, forgerons, etc., et bien d’autres qu’il me serait facile de citer. Dans ces industries, le salaire rémunère à la fois l’aptitude professionnelle et l’aptitude physique.

Enfin il existe une troisième catégorie de professions qui n’exigent aucune instruction professionnelle, ou du moins une instruction professionnelle tellement simple qu’elle est à portée de tout le monde et qui supposent exclusivement l’aptitude à un effort physique plus ou moins prolongé. Tel est le cas de ceux qu’on appelle dans l’industrie parisienne les ouvriers de métiers, c’est-à-dire qui n’ayant aucune spécialité déterminée peuvent être employés indifféremment dans toutes les industries. Appartiennent également à cette catégorie : les charretiers, les palefreniers, les déchargeurs, les balayeurs et tous ceux qui sont compris dans la nombreuse catégorie des hommes de peine. Ici le salaire ne rémunère guère que l’effort physique ; l’aptitude professionnelle n’y entre presque pour rien. Cette division n’est pas celle généralement adoptée dans les statistiques industrielles, mais je crois qu’elle répond à la réalité des choses et qu’elle peut être utilement suivie.

Avant d’entrer toutefois dans le détail des salaires attribués à ces différentes professions, je dois faire une observation. Parmi