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ces professions, quelques-unes subissent régulièrement une interruption de travail plus ou moins longue ; c’est ce qu’on appelle la morte saison. Les autres assurent, au contraire, à ceux qui les exercent une occupation permanente. Mais les unes et les autres sont sujettes inévitablement aux chômages, qui sont la conséquence des crises industrielles et commerciales. Ces crises peuvent avoir plusieurs causes. Ou bien la mauvaise direction des affaires publiques, en détruisant la confiance, amène un resserrement des capitaux qui paralyse à la fois toutes les industries ; ou bien la production, surexcitée par une époque de prospérité, a jeté sur le marché une quantité de produits plus grande que les besoins des consommateurs (c’est le phénomène que les Anglais appellent over-trading) ; ou bien la production étrangère, favorisée par des causes diverses, vient faire sur le marché national une concurrence heureuse aux produits du pays. Ces trois causes pourraient bien se trouver réunies dans la crise qu’en ce moment traversent quelques-unes de nos industries. Mais s’il est possible de tenir compte de la morte saison dans l’évaluation du salaire annuel, il est impossible de tenir compte de ces chômages accidentels qui peuvent frapper tantôt une industrie, tantôt une autre. Les chiffres que je vais donner supposent des industries en pleine activité. Ce sont les chiffres d’hier, ce ne sont peut-être pas toujours ceux d’aujourd’hui. Il dépend en partie de la sagesse des intéressés que ce soient ceux de demain.

Comme spécimen des professions assez peu nombreuses qui appartiennent à la première catégorie, je prendrai celles qui se rattachent à la bijouterie et à l’orfèvrerie, celles qui se rattachent à la gravure et celles qui se rattachent à l’imprimerie. Je puis certifier la parfaite exactitude des chiffres que je vais donner pour les avoir puisés moi-même à des sources très sûres.

Dans l’orfèvrerie et la bijouterie, l’apprentissage commence généralement vers quatorze ou quinze ans et dure trois ou quatre ans. Durant ce laps de temps, les apprentis ne reçoivent régulièrement aucun salaire et apprennent le métier sur le conseil des ouvriers plus âgés et sous la direction des chefs d’atelier. Au sortir de l’apprentissage, c’est-à-dire au moment où ils commencent le métier, l’orfèvre et le ciseleur gagnent 4 francs par jour, le bijoutier et le graveur gagnent 5 francs, et le sertisseur (celui qui assujettit les brillant) 6 francs. Au bout de quelques années d’exercice, par leur seule régularité dans le travail et l’expérience qu’ils acquièrent dans la profession, c’est-à-dire vers vingt-sept ou vingt-huit ans, ils arrivent à gagner : l’orfèvre 5 francs, le. bijoutier et le graveur 8 francs, le ciseleur 10 francs, et le sertisseur 12 francs. Ce sont là