Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/858

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans son voisinage un cercle d’ouvriers, institution excellente dans son principe, mais où il craindra peut-être d’entrer, parce que la fréquentation d’un de ces cercles équivaut aujourd’hui pour lui à une profession de foi religieuse et politique. Il faut donc, et pour beaucoup d’autres raisons encore, désirer qu’il se marie. Mais son modeste salaire ne lui permettra pas de soutenir à lui tout seul une femme et les enfans à venir. Il faut donc de toute nécessité qu’il épouse une femme exerçant elle-même une industrie suffisamment lucrative. Et ceci nous amène tout naturellement à compléter cette étude en recherchant quels sont, dans l’industrie parisienne, les salaires des femmes.


IV

La question du travail des femmes est une de celles qui, à juste titre, ont le plus souvent préoccupé les économistes. Cette question a inspiré un des plus beaux livres qui aient été écrits, de notre temps, sur ces matières, l’Ouvrière, de M. Jules Simon, livre qui est toujours à relire, comme un modèle en ce genre d’études. Plus récemment, M. Paul Leroy-Beaulieu a consacré un volume très intéressant au travail des femmes au XIXe siècle. Mais ces ouvrages envisagent la question du travail des femmes à un point de vue beaucoup plus général que le nôtre, bien que l’ouvrage de M. Leroy-Beaulieu contienne un chapitre spécial sur les salaires des femmes à Paris. Infiniment plus modeste en ses visées, mais plein de renseignemens utiles, est un livre de Mlle Pichart, intitulé le Choix d’un état. Enfin la grande enquête publiée en 186Ù par la chambre de commerce peut encore, pour beaucoup de professions, être utilement consultée. A l’aide de ces documens, complétés, comme pour les hommes, des renseignemens que je me suis procurés directement, j’espère être en mesure de donner des indications très sommaires sans doute, mais cependant suffisantes, sur les salaires des femmes à Paris.

C’est un fait bien connu que, dans toutes les professions, le salaire des femmes est infiniment moindre que celui des hommes. Bien des explications peuvent être données de cette infériorité. D’un côté, leur force physique moins grande leur défend d’entreprendre certains travaux dont la rémunération est proportionnée à l’effort ; de l’autre, un certain défaut d’invention, une certaine stérilité d’imagination, leur rend difficile de soutenir la concurrence avec les hommes dans ces industries privilégiées où les dons artistiques sont surtout nécessaires. Dans un ordre d’idées différent, leurs besoins moindres et leur résignation plus grande les rendent peut-être