la lumière. La douzaine de sacs est payée 0 fr. 15 : à six douzaines par jour, cela fait 0 fr. 90, et, pour arriver à ce chiffre, il ne faut pas perdre grand temps, sur les seize heures qui constituent le maximum du travail humain. Sinon, on tombe à 0 fr. 75, à 0 fr. 60.
Lorsqu’on relève de pareils salaires, qui ne sont pas des moyennes théoriques, mais des réalités douloureuses, que peut-on dire ? Hélas ! on ne peut que songer à cette dramatique chanson de la chemise, the Song of the shirt, qui a remué un instant l’Angleterre et qui, pour délier les bourses, a plus fait que bien des sermons. Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, on me permettra de la transcrire ici :
Une femme est assise, couverte de haillons. Ses paupières sont rouges et gonflées, ses doigts sont las et usés. Avec une hâte fiévreuse, elle pousse son aiguille, elle tire son fil et, sans relâche, d’une voix aigre et gémissante, elle chante la chanson de la chemise : Pique, pique, pique, mon aiguille, quand le coq chante au loin, et pique, pique, pique encore quand les étoiles brillent à travers ton toit disjoint. Pique, pique, pique jusqu’à ce que ton cerveau flotte dans le vertige, jusqu’à ce que tes yeux soient brûlans et troublés, jusqu’à ce que tu tombes endormie sur les boutons et que tu achèves de les coudre en rêve.
O hommes qui avez des sœurs que vous aimez ! ô hommes qui avez des épouses et des mères ! ce n’est pas du linge que vous usez chaque jour, ce sont des vies de créatures humaines. Pique, pique, pique, mon aiguille, dans la pauvreté, dans la faim, dans la fange, cousant à la fois avec un double fil un linceul aussi bien qu’une chemise.
Mais pourquoi parlé-je de la mort ? Ce spectre aux. ossemens hideux, je redoute à peine l’apparition de sa forme effrayante. Elle est si semblable à la mienne, que les longs jeûnes ont décharnée. Hélas ! faut-il que le pain soit si cher, et la chair et le sang si bon marché !
Pique, pique, pique, mon aiguille. Ma tâche ne s’achèvera donc jamais ! Et quel est mon salaire ? Un lit de paille, un morceau de pain et des haillons ; ce toit entr’ouvert, ce plancher humide, une table et une chaise brisée, et un mur si blanc, si nu que je remercie mon ombre de s’y projeter quelquefois.
Oh ! une heure seulement, rien qu’une heure de repos ! Trêve un instant, non pour goûter les douceurs bénies de l’amour et de l’espérance, mais pour me laisser aller à ma douleur. Pleurer un peu soulagerait tant mon cœur ! mais dans mes yeux gorilles je dois refouler mes larmes, car chaque goutte retarde la marche de mon aiguille et de mon fil et pourrait tacher mon ouvrage.
Une femme est assise, couverte de haillons. Ses paupières sont