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par l’intermédiaire de Rothembourg, il charge Petit de lui achetée « deux beaux groupes de marbre colossals. Le sujet m’est égal, dit-il, pourvu que cela soit beau. Quand même ces groupes me coûteraient cinq à six mille écus, je les paierais. Peut-être pourra-t-il aussi trouver deux beaux vases de marbre, ornés d’or moulu. Ce sont de ces choses qu’il faut avoir pour embellir Potsdam. »

Frédéric est bien généreux à ce moment ; il est vrai qu’il a atteint son but et que la paix qu’il va conclure consacre pour lui une acquisition bien autrement importante, celle de la Silésie. Il lui est bien permis de satisfaire quelques caprices. Aussi les lettres qu’il écrit alors coup sur coup sont-elles remplies des recommandations les plus pressantes et les plus variées. Dans deux billets antérieurs de-quelques jours adressés également a Rothembourg, et datés comme le précédent du camp de Chlum, il le prévient (6 juillet 1745) qu’il envoie 5,000 écus à Petit « pour l’achat d’un lustre en cristal de roche aussi beau qu’on peut l’avoir pour ce prix-là ; » et, le 10 août, il annonce qu’il fera payer « les 2,550 écus, moyennant quoi il aura la belle table dont on lui parle et les quatre tableaux de Watteau. » Il craint seulement que les dimensions du lustre ne soient trop grandes et « qu’il ne fasse pas un bon effet dans les chambres de Potsdam. » Aussi donne-t-il à Petit les dimensions de l’appartement afin que celui-ci se rende un compte exact des proportions ; il déclare d’ailleurs s’en rapporter à lui pour le choix. Plus tard, dans la même lettre où il se plaint des tableaux que lui a expédiés son agent (3 mai 1748), il parle des dessins qui lui ont été envoyés de Paris pour deux pendules qu’il veut commander : « Il faut qu’elles soient toutes deux de sept pieds et d’écaille de tortue[1] ; le dessin de l’une me paraît fort beau, et celle en console fort vilaine. J’en voudrais avoir deux petites comme vous en avez pour mettre sur des consoles, mais il ne faut pas qu’elles excédent trois pieds. » Sachant ces dispositions de Frédéric et désirant lui être agréable, la marquise de Pompadour lui fait elle-même alors présent d’une pendule d’un travail merveilleux, exécutée, dit-on, d’après ses dessins. On rapporte même que, pour répondre à cette attention et peut-être aussi afin de stimuler l’amour-propre des ouvriers qu’il employait, le roi de Prusse leur avait commandé une autre pendule qu’il voulait offrir à la marquise, mais que, mécontent du résultat de cette tentative, il dut renoncer à son projet.

Le règne de Frédéric-Guillaume n’avait pas été favorable aux arts. En lui succédant, Frédéric II ne trouvait que bien peu d’aides autour de lui pour des travaux qui exigent des qualités de goût et

  1. Nous avons, en effet, remarque à Potsdam et à Sans-Souci plusieurs pendules a gaines ornées, d’une grande richesse et d’une exécution très fine, fabriquées à Paris et portant les noms de Fr. Beckaert, Charost, Joh. Biesta, etc.