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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/899

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reconnaître, du moins, qu’on avait, à Paris, un peu exploité cet engouement du roi. Celui-ci d’ailleurs ne rendait pas toujours facile à ses agens la satisfaction de ses goûts déjà assez exclusifs, car il compliquait encore ses commandes réitérées par l’ordre qu’il leur donnait de lui rechercher des pendans ou des tableaux de dimensions déterminées, en vue d’un vide à remplir sur les parois de ses appartemens ou de sa galerie.

Ce n’étaient pas seulement des tableaux que Frédéric voulait acheter pour embellir sa nouvelle résidence. Dès 1742, moyennant une somme de 36,000 thalers, il s’était rendu acquéreur de la collection d’antiques que notre ambassadeur à Borne, le prince Melchior de Polignac, avait amassée pendant un long séjour en Italie et que le roi de Prusse, après la mort de ce diplomate, était heureux, comme il l’écrivait à Voltaire, « de pouvoir escamoter à Paris. » Cette collection, fort mélangée, comprenait une centaine de bustes, dont un petit nombre seulement étaient remarquables, celui d’Homère entre autres, qui orne encore aujourd’hui la Bibliothèque de Sans-Souci. Parmi les statues, peu nombreuses et malheureusement très dégradées par de grossières restaurations, on distinguait la Joueuse d’osselets et les dix figures découvertes par le cardinal dans des fouilles faites à Ostie et qui, suivant lui, avaient dû autrefois former un ensemble auquel il avait fort gratuitement assigné la dénomination d’Achille parmi les filles de Lycomède, En 1747, une autre statue de bronze trouvée près du château Saint-Ange, dans le lit du Tibre, et représentant un jeune garçon en prières, les bras levés vers le ciel, avait aussi été acquise du prince de Lichtenstein, au prix de 5,000 thalers. Le roi, qui la connaissait d’après une gravure de Camerata, avait conçu pour elle une vive admiration. Aussi manifesta-t-il une grande impatience de conclure ce marché et de voir arriver, son emplette. Celle-ci, ayant pleinement répondu à son attente, fut aussitôt installée devant la fenêtre de la Bibliothèque de Sans-Souci.

Outre ces acquisitions, suivies de quelques autres moins importantes en Italie et en Allemagne, le roi commandait à Paris des copies d’après l’antique ou des œuvres originales à divers artistes, notamment à Sigisbert Adam et à Bouchardon. En échange de chevaux qu’il avait envoyés à Louis XV, il recevait de lui en 1749 deux groupes de Sigisbert Adam, la Pêche et la Chasse, et deux autres statues que Pigalle avait exposées l’année précédente : une Vénus et un Mercure attachant ses talonnières, considéré comme un des meilleurs ouvrages de cet habile sculpteur ; Le roi les avait fait disposer auprès du grand bassin de Sans-Souci, car il était aussi préoccupé, depuis quelque temps déjà, de la décoration de ses jardins. Dès 1745, dans une lettre datée du camp même de Chlum (16 août)