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d’autres aujourd’hui, mais qui a certainement une sérieuse autorité, M. Germain, le disait l’autre jour dans un banquet qu’il a donné à ses collègues du conseil-général de l’Ain. Il montrait que le danger était dans la confusion qui règne depuis quelques années et dont le radicalisme profite pour imposer ses volontés, pour dominer le gouvernement lui-même. C’est là, en effet, la question aujourd’hui, et cette question, ce n’est pas avec des paroles et des discours qu’on la résoudra, c’est avec des actes, avec une politique mûrement calculée, énergiquement, résolument pratiquée.

Que se passe-t-il donc en Europe ? Qu’y a-t-il donc de changé dans la situation générale du continent ? Quelle est l’importance ou la signification de tous ces bruits d’alliances nouvelles, de combinaisons mystérieuses concertées entre quelques chancelleries ? Ce n’est pas de l’Orient que viennent aujourd’hui les troubles et les préoccupations. Il n’est survenu, que nous sachions, aucune circonstance récente qui ait pu raviver brusquement les vieux antagonismes, remettre aux prises les grandes ambitions. La question de la navigation du Danube a été résolue à Londres ; lord Granville s’est fait l’interprète des résolutions de la conférence auprès des états intéressés et, s’il y a quelque difficulté, elle consiste tout au plus à faire accepter par la Roumanie ce que la diplomatie a adopté et sanctionné. Les affaires du Liban sont sans doute aussi une dépendance de cette éternelle question orientale et ont à ce titre leur intérêt. Elles sont traitées en ce moment dans une conférence qui est réunie à Constantinople, où la Porte et les puissances européennes ont à se mettre d’accord pour la nomination d’un nouveau gouverneur ; mais le choix d’un gouverneur du Liban n’est point un de ces événemens qui passionnent l’opinion et les cabinets. Les affaires d’Egypte, qui ont assurément leur gravité, sont loin d’être finies : elles peuvent être un embarras pour l’Angleterre, qui, à la vérité, s’accommode sans peine des fardeaux de ce genre ; elles ne paraissent pas jusqu’ici réagir sensiblement sur la politique générale. Ce n’est pas non plus dans l’Occident, si l’on en croit les apparences, que se seraient produites des complications inattendues de nature à mettre la diplomatie en campagne, à précipiter les résolutions ou à modifier tous les rapports. Les grandes questions paraissent sommeiller pour le moment ; aucun incident visible n’a surgi dans les relations des principales puissances de l’Europe. A quoi tient donc cette espèce d’agitation qui s’est manifestée presque à l’improviste depuis quelques jours, qui s’est traduite en toute sorte de polémiques assez confuses à la surface du continent ? C’est la faute ou la suite d’un simple bruit parti de Rome, d’un discours que M. le ministre des affaires étrangères Mancini a prononcé devant la chambre des députés italienne, il y a un mois, et qui, depuis ce moment, a fait le tour de l’Europe, qui a été commenté, interprété, rectifié, sans être devenu en définitive beaucoup plus clair.