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partie au moins de l’espace intermédiaire ; mais comment auraient-ils résisté au choc des races plus fortes ? Promptement submergés, ils n’auront survécu et ne se seront perpétués jusqu’à nous qu’à la condition de se restreindre à un faible périmètre, à la fraction la plus reculée de leur ancien domaine. Aussi ne faut-il pas s’étonner si MM. de Quatrefages et Hamy, après avoir décrit la plus ancienne race européenne dont on possède les crânes, celle de Canstadt, ne lui trouvent d’analogie un peu étroite que parmi ces mêmes indigènes des régions les plus avancées vers le sud, les Boschimans et les Australiens. Le contraire aurait lieu de surprendre : non-seulement la situation actuelle de ces races n’implique nullement qu’elles soient originaires des lieux où on les rencontre, encore moins qu’elles y aient été toujours confirmées, mais on peut croire qu’elles auront fait partie des premières émigrations, par la raison bien simple que le passage devait être libre, lorsqu’elles se sont avancées, comme une avant-garde des flots humains s’ épanchant du nord au sud. Si ces races inférieures, lors de leur exode, avaient trouvé la zone tempérée déjà en possession d’hommes plus intelligens et plus forts, elles auraient inévitablement succombé, impuissantes qu’elles auraient été à percer un pareil rideau pour gagner les cantons qu’elles ont fini par conserver.

On voit que nous sommes enclin à reculer au nord, jusque dans les régions circumpolaires, le berceau probable de l’humanité primitive. De là seulement elle aura pu rayonner, comme d’un centre, pour s’étendre dans plusieurs continens à la fois et donner lieu, après s’être différenciée sur place, le long des plages de la mer polaire à des émigrations successives, véritables essaims destinés à se propager, à se pousser et à se remplacer tour à tour, jusqu’au moment où chacun d’eux se sera cantonné dans une région à part, plus ou moins avancée vers le sud, et s’y sera arrêté pour y revêtir des caractères et des aptitudes définitives. Telle est la théorie qui s’accorde le mieux avec la marche présumée des races humaines. Il s’agit de démontrer qu’elle est également conforme aux données géologiques les plus autorisées et en même temps les plus récentes, enfin qu’elle s’applique, en dehors de l’homme, aux plantes et aux animaux qui ont accompagné ses premiers pas et qui lui sont restés le plus étroitement associés au sein des régions tempérées devenues plus tard le siège de sa puissance civilisatrice.


IV

Les lois générales de la géogénie favorisent d’une façon remarquable l’hypothèse dont nous venons d’ébaucher les traits. Pour s’en convaincre, il suffit d’interroger les interprètes de cette science