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et, parmi eux, le plus sage, le plus complet, comme le plus récent, l’auteur du dernier Traité de géologie, M. A. de Lapparent. Nous trouvions dans son livre l’exposé méthodique de tous les élémens de nature à rendre cette hypothèse vraisemblable. Que faut-il pour cela ? — Établir deux points essentiels qui ne seront sérieusement contestés par aucun géologue.

L’un est le refroidissement tardif et progressif des régions polaires, encore peuplées de grands végétaux., jouissant d’un climat plus tempéré que celui de l’Europe centrale actuelle, habitables et fertiles jusqu’au 80e degré, même au milieu des temps tertiaires. A partir de cette époque seulement, le refroidissement aurait fait de rapides progrès et les glaces, d’abord confinées sur le haut des montagnes, seraient venues prendre possession d’un sol destiné à devenir leur domaine exclusif. C’est ainsi que les contrées arctiques, sans être absolument fermées à la vie, ne lui auraient plus offert désormais que des conditions pénibles et exceptionnelles, Tel est le premier des faits que nous ayons à signaler. Dans de pareilles circonstances, l’homme aussi bien que les animaux et les plantes durent s’éloigner ou périr, émigrer de proche en proche ou se trouver réduits à une existence de jour en jour plus précaire. Il existe encore des hommes hyperboréens attaches à certaines parties de ces contrées glacées, misérables, errans, mais tenant à cette terre qu’ils se refusent à abandonner absolument, et sur laquelle ils ont réussi à persister. Ils obéissent ainsi à cet instinct du pays natal et des habitudes acquises plus fortes en eux que tout le reste ; mais ils diminuent graduellement et finiront sans doute par disparaître comme ils le font entendre eux-mêmes dans leur chant expressif et mélancolique.

Le second point à établir est la stabilité « relative » des masses continentales actuelles et de leur distribution autour du pôle arctique, occupé par une mer, tandis que l’autre pôle correspond à une calotte de terre ferme peu étendue entourée par un immense océan, L’importance du pôle arctique au point de vue de la production des plantes et des animaux et de leurs migrations, aussi bien que la nullité de l’autre hémisphère à ces mêmes points de vue, ressortant de ce groupement. L’essentiel est qu’il n’y ait rien de capricieux dans cette distribution des terres et des mers, qu’il y ait eu, sinon toujours, du moins très anciennement des terres émergées occupant une partie notable de l’hémisphère boréal, s’avançant très loin vers le nord et décrivent autour de la mer arctique une ceinture d’îles et de contrées plus ou moins attenantes.

C’est effectivement ce qu’enseigne la géologie. Les changemens, les immersions et émergions, n’ont jamais été que partiels et successifs. L’ossature de nos communs remonte a des âges très reculés.