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marque l’existence sur ce point de conditions extérieures évidemment favorables à la diffusion de l’homme, dont la race se multipliait alors pour la première fois. La flore de cette époque, observée à Moret, près de Fontainebleau, dénote un climat favorable au développement du figuier, du laurier, du gainier, et, par suite des aptitudes bien connues de ces plantes, la présence de conditions assimilables à celles que présente actuellement le midi de la France, vers le 42e degré de latitude. Mais, maintenant, pour atteindre, à partir du 42e degré, les régions voisines du tropique où les palmiers, les camphriers, les avocatiers se trouvent associés dans un même ensemble, il faut redescendre au moins de 12 à 15 degrés plus au sud et atteindre, vers le 30e ou le 28e degré de latitude nord, les Canaries, l’Egypte moyenne, le sud de la Perse, l’extrémité méridionale du Japon, enfin la Floride et les pourtours du golfe du Mexique. Nous retrouvons alors à peu de chose près les conditions climatologiques de l’Europe miocène, conditions à peine suffisantes pour faire vivre des anthropomorphes. Entre ces conditions et celles qui paraissent avoir favorisé pour la première fois l’essor d’une race humaine, il existe donc un écart d’au moins 12 degrés, plus probablement de 15 degrés de latitude ; — mais lorsque les palmiers sabals croissaient non loin de Prague et que les camphriers s’avançaient au nord jusqu’à Danzig, l’homme, si tant est qu’il existât, pouvait habiter sans inconvénient par-delà ou vers les alentours du cercle polaire arctique, à égale portée de l’Amérique du Nord et de l’Europe, qu’il allait bientôt peupler.

Une seule objection pourrait être opposée à cette manière de comprendre l’origine et l’extension première de l’homme, c’est celle-ci, que le genre humain n’est pas actuellement parqué ni limité, comme le sont les pithéciens. Si ces derniers ont été refoulés par l’abaissement de la température et que le froid toujours croissant leur ait tracé au nord des limites infranchissables, l’homme, de son côté, aurait dû être arrêté au sud par la chaleur, et pourtant non-seulement il a gagné la zone torride, mais il a traversé l’équateur pour aller au-delà occuper les régions australes jusqu’aux extrémités de l’espace habitable. Cela est vrai, l’homme s’est montré plus plastique que la plupart des animaux ; à un moment donné, il est devenu cosmopolite. C’est pour lui un caractère et une distinction de plus. Non-seulement il a su affronter le froid et ne pas abandonner entièrement les régions glacées du Nord, mais il n’a pas reculé devant les ardeurs du tropique. Partout il a reçu, en se localisant, l’empreinte des lieux où il se fixait, en se créant une foule de patries secondaires, au sortir de sa patrie d’origine. Remarquons-le, en insistant sur ce point que cette tendance vers la diffusion est une particularité distinctive de la race humaine ; remarquons bien que, sortie sans doute