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et, au lieu de rencontrer les instrumens chelléens à la base du quaternaire et dans l’âge de l’elephas antiquus, nous les trouverions plus d’un étage auparavant, et dès le niveau de Sansan, au plus tard vers celui d’Eppelsheim, sur l’horizon des hipparions, là où les riches dépôts de Pikermi et du Mont-Léberon ont permis à M. Gaudry de reconnaître et de reconstituer presque tous les êtres d’un même ensemble contemporain.

Les silex tertiaires du Portugal ne sont pas faits pour entraîner davantage la conviction. Ils ont été recueillis par M. Ribeiro et après lui par M. Bellucci. Ils proviennent d’une formation d’eau douce incontestablement tertiaire dont l’âge miocène récent a pu être déterminé avec certitude, d’après les animaux par M. Gaudry, d’après les plantes par M. Heer. La flore portugaise d’alors diffère peu de celle d’OEningen, en Suisse, qui se rapporte au même horizon géognostique. Elle présente une association d’ormes, de peupliers, de canneliers, de savonniers, de tamariniers qui témoignent de la douceur et de l’égalité du climat d’alors, d’un bout à l’autre de l’Europe. Placé dans un pareil milieu, l’homme y aurait assurément rencontré les conditions les plus favorables à son développement. Mais existait-il, était-il prêt à inaugurer ses voies, à faire « sa trouée à travers le monde ? » C’est ce qu’il faudrait pouvoir constater, et malheureusement il s’agit d’un dépôt de grès, mêlés de cailloux siliceux, en partie desagrégés, soumis à des érosions postérieures et à des influences atmosphériques qui expliquent les innombrables éclats épars sur le sol, et parmi lesquels ceux qu’on a crus taillés intentionnellement ont été triés après une longue exploration. M. Cazalis de Fondouce, qui faisait partie du congrès préhistorique de Lisbonne en 1880, a visité les couches miocènes de Monte-Redondo ; sa compétence en pareille matière ne saurait être récusée ; il insiste particulièrement sur les dénudations et les remaniemens postérieurs au dépôt des couches pour exprimer des réserves au sujet des éclats en très petit nombre qui paraissent assimilables à ceux de l’époque dite du Moustier. Il n’y aurait pas impossibilité qu’ils eussent été taillés par l’homme. L’un d’eux paraît avoir été retiré d’un lit miocène non remanié ; mais si le fait est admissible, ne vaut-il pas mieux attendre que de trancher déjà et sans preuve directe un aussi grand problème ? M. de Mortillet lui-même a la sagesse de ne rien affirmer au-delà de l’authenticité des instrumens eux-mêmes. Il ajoute que leur petitesse le porte à croire que les êtres qui les auraient fabriqués, proportionnés à cette faible dimension, n’étaient et ne pouvaient être de véritables hommes. Le doute que M. de Mortillet laisse planer sur les créatures dont il évoque l’intervention, nous retendons aux instrumens, nous reposant sur les découvertes futures du soin de déterminer une solution.