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il s’est fixé, s’arrêtant à des degrés inégaux et successifs de cette échelle qu’il a été destiné à gravir, mais qui ne conduit au plein exercice de ses facultés les plus nobles qu’à la condition d’atteindre les plus hauts échelons,


VII

Le « solutréen » n’est qu’une transition, et une transition assez rapide, même d’après les évaluations de durée relative adoptées par M. de Mortillet. Il semble que le solutréen réponde plutôt à un cantonnement régional qu’à une époque. En tout cas, cet âge conduit au suivant, celui de la Madeleine, ou « magdalénien. » Tous deux sont l’expression ethnique du glaciaire proprement dit, c’est-à-dire de cette période d’abaissement calorique qui coïncida en Europe avec le retrait graduel des glaciers, tandis que le climat tendait à devenir à la fois plus sec et plus extrême et que les grands pachydermes, spécialement le mammouth ; disparaissaient peu à peu, éliminés par la rigueur croissante des saisons et l’appauvrissement de la végétation. Au contraire, le renne et le cheval se multiplient. Le premier surtout, d’abord rare et sans doute confiné plus au nord ou dans le voisinage des montagnes, descend vers les plaines et occupe tout le centre de l’Europe, sans pénétrer cependant ni en Espagne, ni en Provence, ni en Italie. Malgré les innombrables variétés qu’il présente et qui n’ont pas été encore méthodiquement déterminées, ce renne est bien celui des Lapons actuels, qui s’est avancé au cœur de l’Europe, à la faveur du froid et de l’extension énorme des glaciers. Il abonde dans la plupart des stations solutréennes ou magdaléniennes. Plus tard, il remontera vers le cercle polaire, dont il ne quitte pas actuellement les alentours. Au milieu d’une foule de fauves énumérés par M. de Mortillet et que l’homme devenu chasseur poursuit pour se nourrir, de leur chair, se vêtir de leur peau, et dont il utilise les parties dures en vue de son industrie, le renne et le cheval tiennent le premier rang. À Solutré, le cheval domine ; on a compté les squelettes de vingt mille au moins, peut-être de quarante mille individus. C’est bien le cheval actuel, avec une tête plus grosse relativement au corps, qui est petit ou de taille moyenne, avec des membres forts, des muscles vigoureux. Il se rapproche par certains détails anatomiques de l’hipparion son ancêtre. Ni le cheval ni le renne n’étaient alors domestiqués, et le chien était encore inconnu. C’est à la course ou par des pièges que l’homme de cette époque s’emparait des animaux ; il les tuait sur place ou les garrottait pour les apporter sur les points où il habitait et s’en nourrir. Le mammouth était alors une sorte d’animal légendaire, retiré au fond de certaines forêts, excitant la curiosité,