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On comprendra le douloureux étonnement et la légitime indignation éprouvée par notre ministre des affaires étrangères à la lecture d’un tel projet. Ces sentiment sont du reste, ressentis également par tous ceux qui ont quelque souci des intérêts de la France, et ils approuvent sans réserves le rappel de notre ambassadeur.


III

Il est bon, à notre époque où l’imprévu ne joue un si grand rôle que parce que notre imprévoyance est excessive, de rechercher quelles forces de mer et de terre la Chine pourrait mettre en ligne. Nous nous hâtons d’ajouter qu’en cherchant à faire la lumière sur ce point, nous sommes bien loin de croire que cette puissance songe à se mesurer avec notas, pas plus qu’avec d’autres, sauf le Japon pourtant.

La puissance navale de la Chine à l’heure actuelle ne peut, l’on s’en doute déjà, inquiéter aucune marine militaire de l’Eutrope ; la Chine ne possède en effet, malgré de grands efforts et de grands sacrifices, que deux lourds cuirassés, un monitor, deux frégates, douze corvettes, dont deux seulement ont une armure en fer, trente canonnières en bois, deux bateaux à roues, dix petits steamers douaniers et deux barques transports. Il faut ajouter la cette liste le Ting-Yuen, bâtiment de guerre qui s’achève en ce moment dans l’arsenal de Stettin, et qui partira pour la Chine aussitôt que ses armement en canons Krupp aura été complété à Kiel. De l’aveu même des constructeurs allemands, le Ting-Yuen réunit dans sa coque, à un trop grand degré de perfection pour des Chinois, toutes les découvertes modernes. Ce n’est plus un bâtiment de guerre, c’est une exposition de machines scientifiques. Indépendamment d’un éclairage de système récent, on y voit fonctionner un télégraphe électrique, puis, divers inventions hydrauliques, un attirail très compliqué de roues, grand attirail destiné à mettre simplement à la mer les petites embarcations du bord, des appareils à torpilles, des manivelles tournant à la vapeur, des pompes à feu et à eau de divers inventeurs, enfin beaucoup d’autres engins devant lesquels ont dû longtemps pâlir ceux qui les ont inventés. Que sera-ce lorsque des capitaines chinois ordonneront à des équipages inexpérimentés de mettre en mouvement tous ces rouages d’horlogerie ? A la première explosion insolite, au moindre choc électrique inattendu, le vaisseau modèle