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Le 16 juillet, une sortie de trois cent cinquante hommes et deux cents chevaux fut repoussée par les régimens de Grancey et d’Harcourt. Huit cents coups de canon furent tirés dans cette journée. On était arrivé à cinquante pas de la contrescarpe ; la grande batterie était fractionnée et la batterie du moulin renforcée. Dans la nuit du 17 au 18, on fit le logement sur la contrescarpe aux deux attaques. « Lescot vous porte les nouvelles du logement que nous avons faict sur la contrescarpe avec toutes les particularités[1]. » M. le Duc ne disait pas dans sa lettre que, sans sa présence d’esprit, son courage, son savoir et son entente du métier d’ingénieur, cette opération capitale et hardie aurait échoué.

Elle avait été entreprise « d’insulte » aux deux attaques. A celle du marquis de Gesvres, Gassion et d’Aumont marchaient à la tête de la colonne, Champagne et Vidaille, ingénieurs, dirigeaient les travailleurs. Le succès fut complet ; sans autre incident que la perte de plusieurs volontaires, presque tous officiers, de « La Marine » et autres régimens. A l’attaque du duc d’Anguien, Espenan commande, et bien que M. le Duc l’ait cité comme « un des meilleurs hommes de siège que je connaisse, » le général en chef dut encore le suppléer comme à Rocroy. Voici dans quel ordre s’étaient avancés les assaillans : trois sergens de Picardie, suivis de douze mousquetaires ; trois lieutenans avec trente soldats et les volontaires, la fleur des amis de M. le Duc, La Moussaye, Bois-Dauphin, Chabot et autres ; puis le reste du régiment. La Plante, capitaine de Picardie, faisait fonctions d’ingénieur, remplaçant Perceval et Le Rasle. Il tomba, la cuisse traversée, comme il commençait à tracer ; les trois sergens étaient tués ; presque toute la tête de colonne était frappée ; faute de direction, la confusion se met parmi les combattans et les travailleurs ; la plupart des porteurs de fascines et de sacs à terre jettent leur fardeau. Le duc d’Anguien accourt, fait apporter gabions, barriques et sacs à terre par la queue de la tranchée, trace l’ouvrage et le fait exécuter sous un feu des plus vifs. Cinquante hommes étaient à couvert avant la pointe du jour. Les logemens ébauchés sur la contrescarpe. furent assurés la nuit suivante et on en fit deux autres sur le chemin couvert. Puis vint l’opération la plus délicate, la descente et le passage de ce grand fossé plein d’eau ; cela prit dix jours. — Le 28 au soir, Espenan étant en garde avec Picardie et La Marine, attaque la demi-lune, s’en empare malgré l’explosion de plusieurs mines et y fait un logement si solide que, le 29, il y donne à dîner au duc d’Anguien. La demi-lune ayant été immédiatement réunie par un

  1. M. le Duc à M. le Prince, 20 juillet.