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elle va jouer les pieds en l’air ! » Apparemment cette Nadine était une étoile d’opérette ; mais si les actrices de comédie et de drame ne se passent pas de tels caprices d’élégance, il ne s’en faut de guère. D’autre part, sans doute, plus d’une comédienne d’avenir est éloignée du théâtre ou des rôles par la cherté des toilettes. S’il est cependant une scène où les licences de la coquetterie soient un peu réprimées, s’il est une scène aussi où le mérite soit aidé à se produire en habits convenables, c’est justement celle de la Comédie-Française. M. Perrin, par ses conseils, modère la prodigalité de telle de ses sociétaires ; il est telle pensionnaire, d’autre part, qu’il fait habiller de telle façon pour jouer tel rôle dans une pièce moderne, aux frais de la maison. Lequel de ses successeurs établira qu’il en soit de même pour tous les comédiens, pour toutes les comédiennes et dans tous les rôles ? Celui-là sera le digne héritier, non-seulement de M. Perrin, mais de M. le baron Taylor, de M. Edouard Thierry et d’un autre, M. François Buloz, que nous ne saurions oublier ici comme fait M. Perrin dans Sa préface. Celui-là aura cette gloire de rendre possible la convenance du costume au personnage, comme est déjà possible la convenance du décor au drame. Quand l’une sera possible comme l’autre, l’une et l’autre ne tardera pas à devenir réelle. Bientôt même les théâtres libres ne seront pas dispensés par le public d’imiter en ses réformes le premier théâtre de l’état, ta mise en scène alors sera vraiment ce qu’elle doit être : l’illustration de l’œuvre dramatique.

Mais pour que cet âge d’or arrive, il ne faut pas sommer M. Perrin de reculer jusqu’à l’âge de fer, sous prétexte qu’il entend un peu trop en financier l’âge d’argent. S’il dépense trop de temps et trop d’écus pour de beaux décors et de beaux costumes et de belles ordonnances de scènes, qui font rentrer dans sa caisse encore plus d’écus qu’il n’en a tiré, il faut reconnaître qu’il se préoccupe du rapport de tout cet appareil aux ouvrages ; s’il rompt quelquefois cette loi d’harmonie qu’il proclame, ce n’est ni par ignorance ni par mépris, mais par excès de zèle ; s’il ne fait pas exactement son devoir, il le connaît du moins et s’efforce de le faire : c’est un double avantage qu’il a sur d’autres directeurs, à qui nous le désignons pour modèle. C’est assez pour que nous le laissions monter au Capitole, quand MM. Noël et Stoullig lui prêtent un marchepied, et que nous ne le tirions pas par les pans de son habit en ajoutant notre poids à celui de M. Sarcey.


Louis GANDERAX.