en matière si grave et si délicate, une initiative politique qui lui avait été, pendant longues années, jalousement refusée.
Au printemps de 1868, une commission d’enquête agricole avait été instituée, sous la présidence de M. Léopold Lehon, pour aller se rendre compte sur place, d’après un questionnaire extrêmement détaillé, de tous les besoins de nos trois provinces d’Alger, d’Oran et de Constantine, — qu’elle avait mission de parcourir. L’année suivante, une décision impériale, datée du 5 mai 1869, nommait une autre commission extra-parlementaire chargée d’élaborer les questions qui se rattachent à la constitution et à l’organisation administrative et politique de l’Algérie. Cette commission, présidée par le maréchal Randon, ancien gouverneur-général de l’Algérie, comptait parmi ses membres M. Ferdinand Barrot, alors grand référendaire du sénat, M. Chamblain, conseiller d’état, M. Castambide, conseiller à la cour de cassation, M. Paulin Talabot, les généraux Allard, Desvaux et Gresley. M. Tassin, directeur du service de l’Algérie au ministère de la guerre, en était secrétaire, et M. le sénateur Béhic remettait au ministre, au mois de janvier 1870, le rapport dont il avait été chargé. L’enquête agricole ordonnée par le corps législatif, ainsi que le rapport de la commission gouvernementale, étaient attendus sur les bancs de la majorité et sur ceux de l’opposition avec une égale impatience. Le 11 avril, M. Jules Favre réclamait avec insistance le dépôt de cette enquête et affirmait n’être que l’écho de tout ce qu’il avait entendu dire en Algérie en déclarant « qu’elle passait pour avoir été faite avec le plus grand soin et une entière indépendance. » Au mois de décembre de cette même année, M. Léopold Lehon déposait en même temps une demande d’interpellation sur les affaires de l’Algérie et annonçait que les procès-verbaux de l’enquête pouvaient être dès lors distribués aux membres du corps législatif.
Quant au rapport de M. Béhic, nombre d’exemplaires en avaient été tirés à l’imprimerie impériale, et, quoique le texte lui-même n’ait jamais été officiellement publié, ses dispositions principales étaient parfaitement connues de tous les membres du parlement s’intéressant aux affaires de l’Algérie. Chose vraiment singulière, les conclusions en étaient plus libérales, plus larges, dictées par une disposition d’esprit infiniment plus moderne que celles adoptées par une autre commission nommée en novembre 1880, c’est-à-dire en plein régime républicain : à l’effet d’étudier les modifications à apporter au gouvernement-général de l’Algérie. Aux termes du projet impérial de 1870, « le gouvernement et la haute administration étaient centralisés, à Alger même, aux mains d’un gouverneur-général qui avait rang de ministre et devenait, en cette qualité, directement responsable. Il était assisté d’un conseil supérieur, exclusivement