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II

Presque aussitôt après l’occupation définitive du Sahel, c’est-à-dire du massif des collines qui environne Alger, le problème de la colonisation s’imposa de lui-même et par la force des choses. De hardis pionniers s’étaient tout d’abord mis à l’œuvre, et, sous la protection d’une forte garnison dont les corps détachés rayonnaient autour de la place, ils avaient commencé par cultiver les terres faisant naguère partie des domaines du dey, qui demeuraient abandonnées dans la banlieue de son ancienne capitale. Peu à peu ils avaient poussé plus avant, et, grâce à l’assistance des commandans militaires, grâce surtout à la coopération gratuitement prêtée par nos soldats, quelques établissemens agricoles et plusieurs centres créés par ces premiers colons s’étaient étendus de proche en proche jusqu’à la plaine de la Mitidja. Nos compatriotes y rencontraient une terre d’une merveilleuse fertilité, mais couverte presque partout de palmiers nains dont le défrichement était non-seulement pénible et coûteux, mais très malsain. Nombre de localités qu’on aperçoit maintenant de loin sur le chemin de fer d’Alger à Oran, couronnées des plus magnifiques ombrages, étaient alors dépourvues de toute végétation et entourées de marais pestilentiels. La plupart, comme Boufarik, par exemple, ce centre aujourd’hui si prospère, dont la population s’est renouvelée successivement jusqu’à trois fois, avaient alors une réputation néfaste d’insalubrité et passaient, dans l’opinion de nos troupes, pour autant de tombeaux. Cependant, malgré les difficultés du début, en dépit de l’hostilité des indigènes et de leurs trop fréquentes pilleries, l’élément européen allait gagnant chaque jour du terrain, non-seulement près d’Alger, mais aux environs d’Oran, de Bône et de Philippeville, et tout le long du littoral. Son essor alla même jusqu’à donner brusquement aux terres primitivement concédées à des civils une valeur assez considérable pour susciter d’assez fâcheuses spéculations de la part de personnes à coup sûr fort peu soucieuses de l’avenir de la colonisation. Ce fut pour mettre obstacle à ce scandaleux trafic que des arrêtés successifs pris par les divers gouverneurs imposèrent aux concessionnaires, de 1840 à 1847, certaines clauses résolutoires : 1° construire une maison d’exploitation en rapport avec l’étendue du terrain concédé ; 2° planter un certain nombre d’arbres par hectare ; 3° défricher et mettre les terres en valeur ; 4° les entourer d’une haie ou d’un fossé. À ces conditions, le colon ne recevait encore qu’un titre de possession provisoire. Des inspecteurs de colonisation devaient en outre vérifier, après un temps donné, l’état de la