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Toute liberté leur était laissée pour tirer parti de leurs terres comme ils l’entendraient, sauf l’obligation de les cultiver eux-mêmes, ou par gens à leurs gages, et de faire rentrer la société par des remboursemens successifs dans la totalité des avances qu’ils en auraient reçues. Une fois arrivés à Alger, ils étaient accueillis au débarquement par l’agent de la société et par un membre du comité local afin d’éviter de les voir errer dans les rues et subir l’influence de ces déclassés trop nombreux dont les conseils et l’exemple auraient pu au début être si pernicieux. Quelques heures après, ils étaient conduits aux lieux de leur destination, où ils trouvaient pour y entrer immédiatement leur maison toute bâtie, les bœufs et les instrumens aratoires nécessaires pour leur culture, le matériel très complet d’un modeste ménage et, sans figure aucune, leurs lits tout faits.

Le remboursement intégral des avances faites et exigibles par dixièmes, après deux années de résidence, aurait-il toutefois lieu régulièrement ? Voilà la question qui se posait après la seconde récolte pour Haussonviller, le premier des villages fondés par la société. Le recrutement de ce centre avait été fait un peu à la hâte, faute d’expérience. Les comités de Nancy, de Belfort, de Lunéville et les commandans de nos divisions militaires en Algérie avaient laissé tomber leur choix sur un personnel dont une partie au moins laissait quelque peu à désirer. En outre, les produits agricoles des deux années écoulées avaient été plus que médiocres. Il devenait évident que, les choses demeurant ainsi, soit qu’il y eût manque de bonne volonté, soit impuissance de leur part, les colons de la société allaient se mettre sur le pied de tout attendre d’elle, de tout en exiger avec l’espoir secret, assez mal déguisé, d’arriver finalement à se dérober aux remboursemens des avances qui leur avaient été faites. La société prit alors trois graves déterminations dont elle n’a eu plus tard qu’à se féliciter. Elle se décida à augmenter d’une façon considérable, et proportionnellement au nombre des membres de la famille, l’étendue des terres concédées à ses colons. Elle annonça l’intention de leur faire l’abandon gratuit et complet, à l’expiration des neuf années de bail, de la valeur entière des maisons qu’ils habitaient, don gracieux qui abaissait notablement (presque de moitié) la dette dont ils auraient à s’acquitter avant d’être constitués propriétaires définitifs de leur concession. Enfin, elle déclara qu’elle se réservait de faire elle-même directement le choix des colons à établir dans ses villages et qu’aucune demande ne serait accueillie quand elle ne serait pas accompagnée de l’engagement pris par écrit de verser à la caisse de la société, avant le départ de France ou sur place à Alger, avant toute installation, une somme de 2,000 francs servant de garantie et qui devait d’ailleurs être rendue par fractions à l’intéressé au fur et à mesure de ses