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érudition facile, mais d’une critique peu sévère, les témoignages des annalistes, des moralistes, des poètes, il soumet chacun des membres de cette famille à un examen médical dont le résultat est désastreux. Quelle conclusion que celle qui embrasse l’histoire physiologique de cette dynastie depuis Octave jusqu’à Néron ! Voici une famille où se rencontrent tous les dons de la nature, beauté, intelligence hors ligne, talens militaires, éloquence, goût de l’esprit et de l’art, éducation incomparable, avec cela une situation privilégiée au-dessus de l’humanité. Et, dès la quatrième génération, cette famille n’est plus représentée que par un histrion monstrueux et grotesque, souillé de tous les vices et de tous les crimes. Et, pour en arriver là, que de hontes de tout genre, que de maladies et de forfaits partagés entre les divers membres de cette famille : l’imbécillité, l’épilepsie, toutes les formes de la névropathie, le fratricide, les débauches infâmes, les morts prématurées, la stérilité dans certaines branches, le germe des maladies nerveuses dans les autres ! Tibère, le plus intelligent de tous, avant d’accepter le pouvoir que lui offrait le sénat, s’était écrié un jour que ses amis ignoraient quanta bellua esset imperium ! Cette bête féroce, l’imperium, il en devinait la puissance funeste ; la famille d’Auguste est demeurée dans l’histoire la preuve effroyable de cette force de destruction.

Cette même thèse avait été déjà soutenue avant M. Jacoby par M. Wiedemeister dans une étude analogue sur la Folie des Césars. — M. Jacoby poursuit son analyse, mais plus brièvement et superficiellement, sur les principales dynasties de l’Europe occidentale du XIVe au XVIIIe siècle, et il arrive à des conclusions analogues, mais qui, sur plus d’un point, semblent forcées. — L’aristocratie, fondée sur le talent en quelque genre que ce soit, est soumise à la même loi de déclin rapide et fatal. « Toutes les classes privilégiées, toutes les familles qui se trouvent dans des positions exclusivement élevées partagent le sort des familles régnantes, quoiqu’à un degré moindre, et qui est toujours en rapport direct avec la grandeur de leurs privilèges et la hauteur de leur situation sociale. » Le fait principal sur lequel cette thèse s’appuie, c’est que les aristocraties semblent frappées de stérilité croissante, que ces populations privilégiées diminuent très rapidement, et qu’elles ne se maintiennent qu’en se recrutant d’élémens nouveaux sous peine de périr, comme elles périrent en France et dans les pays démocratiques où le recrutement ne se fait plus. A Rome, dès la fin de la royauté, il restait si peu de familles nobles des premiers temps que Brutus dut instituer une nouvelle noblesse minorum gentium. En Grèce, l’extinction graduelle des Spartiates, qui étaient la noblesse du pays, dans l’Europe moderne, la disparition si rapide de