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somniis imperat caro. Le malheur est que ce plâtre n’est nullement de la chair. Il eût fallu la main de Carpeaux ou de Clésinger, ou à tout le moins celle de M. Jules Frère, qui a modelé avec le mouvement et la souplesse de la vie une figure nue sous ce titre : Après le bain. Les formes sont lourdes, le galbe est sans distinction, mais le travail du praticien réaliste est remarquable. La Biblis changée en source, de M. Suchelet, a beaucoup de sentiment et de grâce. On regrette d’autant plus que le polissage à la prèle ait effacé dans ce marbre tous les accens du ciseau.

Ici l’on danse. Voici une série de statues chorégraphiques auprès desquelles le groupe de Carpeaux paraîtrait d’un mouvement modéré : l’Amour et la Folie, de M. Cordonnier, l’Ouragan, de M. Desca, Flore et Zéphyre, de M. Coulon, Orphée et Eurydice, de M. Martin. Les pieds ne tiennent pas aux socles, les corps perdent l’équilibre, les bras battent l’air. L’avant-veille de l’ouverture du Salon, on avait réuni tous ces groupes autour du rond-point du jardin. L’effet était le plus merveilleux du monde : on aurait dit un quadrille. Après être sorti du bal, passons chez les acrobates. C’est « la pyramide humaine, » « les jeux icariens » que le groupe de l’Immortalité, de M. Hector Lemaire. Et pourtant on n’a pas le cœur à railler devant l’œuvre d’un sculpteur de talent, devant un groupe monumental, de six mètres de haut et comprenant cinq figures, qui a dû coûter tant de peines, tant d’efforts et tant d’argent. En elles-mêmes toutes ces figures ont du mérite : ce qui les gâte, c’est leur superposition. Imaginez que M. Mercié ait placé au-dessus du Quand même ! le Gloria victis, et jugez de l’effet ! Si l’on conservait seulement la mère, l’enfant et la figure tumulaire qui occupent la base de cette Immortalité, on aurait un groupe d’un style sévère et d’un beau sentiment.

M. Larison, qui s’était élevé dans l’Age de fer à la sculpture héroïque, tombe dans la sculpture de genre. La Douleur maternelle représente une jeune femme assise sur un fauteuil, le dos et la tête renversée contre un coussin et tenant sur les genoux le cadavre emmailloté de son enfant. Cette femme porte un corsage de paysanne et une jupe à ruche copiée sur un peignoir élégant. Elle a ses bras et ses seins nus ; il ne faut pas s’en plaindre, car ce sont les meilleures parties de la statue. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de penser que ce costume hybride n’est pas dans la vérité, non plus que cette gorge découverte n’est dans la situation. Si l’on veut rendre le vrai, au moins faut-il ne pas commencer par choquer la vraisemblance dans les petits détails. La tête, bien construite, montre de jolis traits, mais l’expression des yeux, où l’on sent rouler les larmes, est trop forcée pour une figure statuaire. La charmante