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intelligence de l’art hellénique ; précieux malgré cela, ils furent peu remarqués ; ils se perdirent presque immédiatement au milieu de l’indifférence générale. Quant aux marbres d’Elgin, achetés par le gouvernement anglais en 1816, ils n’occupèrent pas non plus tout d’abord l’attention. La journée de Navarin en 1827 vint mettre fin la ces inexpériences du goût et déchirer un voile. La patrie et le sol helléniques furent délivrés de la domination turque. Le voyageur instruit, l’homme d’étude, put désormais aller contempler l’art grée en Grèce même, face à face, dans son cadre, sous la lumière natale. On put s’accoutumer à la vue des monumens, fouiller le soi et comparer de nombreux spécimens. L’œil et l’esprit se formèrent à ces fortes et pénétrantes beautés. On cessa de regarder la sculpture et l’architecture antiques par les yeux de Vitruve ; personne ne fut plus tenté de croire le Parthénon contemporain d’Adrien ; on commença de comprendre la majesté dorienne, le caractère simple, sévère, religieux des œuvres de Phidias, la beauté de ce qui l’avait précédé. En même temps, on entendit mieux la poésie de Pindare. Le goût public était redressé, l’intelligence en fait d’esthétique était agrandie et rectifiée ; et cette vue plus complète des œuvres du génie hellénique remettait en leur place et pour ainsi dire au point les œuvres romaines.

Dans le même temps, d’insignes découvertes, en Italie même, étonnaient les esprits et excitaient, avec la curiosité, l’ardeur scientifique. Les fouilles de Pompéi avaient été poursuivies avec une grande activité de 1812 à 1814. On ouvrait, au printemps de 1827, les premières tombes peintes de Corneto, quelques mois plus tard celles de Chiusi. L’année suivante, les fouilles pratiquées dans les domaines de Lucien Bonaparte, prince de Canino et Musignano, puis celles de la grande nécropole de Vulci, donnaient des vases peints en quantité considérable. Ce monde mystérieux de l’ancienne Étrurie apparaissait, non plus seulement, comme jadis, sous un aspect uniquement sinistre et bizarre, mais avec d’intéressans reflets de l’art et de la civilisation grecs.

C’était à Rome surtout que se traduisaient ces émotions. Un petit nombre de savans italiens y conservaient le feu sacré : Fea, Guattani, Philippe Aurèle Visconti, frère d’Ennio Quirino, qui fut conservateur du Louvre et membre de l’Institut ; Gaetano Marini, le célèbre custode de la Vaticane ; Bartolomeo Borghesi, qui commençait sa grande réputation d’épigraphiste. Mais, en outre, des groupes étrangers, formés à Rome dès le commencement du siècle, éveillaient l’esprit public et suscitaient une agitation féconde. La colonie allemande s’y inspirait en particulier des souvenirs de Winckelmann et de Lessing, les deux rénovateurs de l’esthétique. Dans