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les salons du baron de Humboldt, représentant de la Prusse, la société romaine, prélats, princes et grandes dames, se rencontrait avec des littérateurs et des artistes venus de toutes les parties de l’Europe. On y voyait ensemble Lucien Bonaparte, le vieux Seroux d’Agincourt, Paul-Louis Courier, Mme de Staël, qui méditait Corinne, ses amis Frederica Brun et Auguste-Guillaume Schlegel, et puis Tieck, Rumohr, Rauch, Weleker, les Danois Thorvaldsen et Zoega, le Suédois Akerblad, etc. L’occupation française causa dans ces cercles un grand trouble, tout en rendant hommage à ces monumens de l’art, à ces registres d’archives dont le vainqueur revendiquait la possession. Le calme rétabli, les trophées rendus, les successeurs de Humboldt à la légation prussienne, Niebuhr et Bunsen, virent se reformer autour d’eux et sous leur principale inspiration ce groupe d’amis de l’antiquité que les récens événemens avaient dispersés. Niebuhr, à la fois juriste, philologue, paléographe, historien, patriote, étonnait par une sorte de divination du passé, non sans une science pénétrante et des ravissemens poétiques. Le séjour de Rome, sa belle et pittoresque demeure au palais Savelli, qui n’était autre que l’ancien et magnifique théâtre de Marcellus, lui étaient profondément chers. Quant à Bunsen, quiconque a lu ses mémoires connaît son élévation d’esprit. Il aurait voulu se vouer tout entier, comme par une sorte de mission sacerdotale, à ses études d’hymnographie et de liturgie ; mais, sur lui aussi, Rome et l’antiquité exerçaient une séduction irrésistible ; il habitait au Capitole, sur l’emplacement même de l’ancien temple de Jupiter, dans le palais Caffarelli, alors demi-ruiné. Il respectait Niebuhr comme un maître et se donnait à lui. Tous deux s’associèrent en 1823 l’excellent Edouard Gehrard. Élève de Böckh et de Frédéric-Augaste Wolf, Gehrard professait à bon droit que la philologie est la base indispensable des fortes études en mythologie et en archéologie classique. Sa bonne et saine érudition compensa les excès d’enthousiasme de quelques-uns de ses collaborateurs. Sans trop quereller ces adorateurs de l’orphisme, Gehrard fonda avec eux la Société dite des Hyperboréens romains, et ce fut le berceau de l’Institut de correspondance. Un jeune et généreux Français les y avait beaucoup aidés. M. de Luynes n’avait encore que vingt-cinq ans, et déjà sa noble ardeur le désignait comme un des protecteurs de toute entreprise favorable aux sciences, aux lettres et aux arts. Il s’intéressa facilement au projet d’une publication périodique destinée à faire connaître sans retard, par des représentations accompagnées de commentaires, les découvertes archéologiques à mesure qu’elles se produiraient. il esquissa avec Gehrard un plan qui avait de la grandeur. Il s’agissait de fonder une association européenne, divisée