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à l’origine les oscilla consacrés par la croyance populaire. Légèrement fabriqués en terre cuite, attachés aux branches des arbres, revêtus aux deux faces de représentations empruntées au culte de Dionysos et de la figure même du dieu, ils étaient balancés au gré des vents et portaient, là où se tournait la face divine, la fécondité et la joie. « Ils t’invoquent, Bacchus, en leurs chants joyeux ; ils suspendent au haut des pins ta mobile image ; et soudain le pampre fécondé donne des fruits heureux ; l’abondance remplit les vallées, les forêts profondes, tous les lieux vers lesquels les vents inclinent ta divine figure. »


Et te, Bacche, vocant per carmina lœta, tibique
Oscilla ex alta suspendant mollia pinu.
Hinc omnis largo pubescit vinea fétu,
Complentur vallesque cavæ saltusque profundi,
Et quocunque deus circum caput egit honestum.


On comprend ce respect des premiers temps pour des images religieuses que baignait l’éther, objet lui-même d’un respect mystique. Il s’ensuit que les oscilla, devenus de simples ornemens décoratifs dans les entre-colonnemens des temples, ont dû conserver, après l’effacement du caractère religieux, ces deux élémens principaux, la mobilité, surtout par suspension, et la représentation en général bachique sur l’une et l’autre face, ce qui les distinguerait absolument, ce semble, — malgré le nom de clipei, qui a pu les désigner dans les derniers temps, et malgré la forme de pelta que les artistes leur donnent alors, — de la série nombreuse et toute différente des boucliers votifs. J’ai cité volontiers cet exemple, qui montre comment une recherche archéologique sur un objet chétif en apparence peut aider à pénétrer le vrai génie antique et à bien interpréter Virgile.

L’épigraphie est devenue, on le sait, l’auxiliaire indispensable de l’histoire, et le premier service que réclame la science de l’antiquité, c’est qu’on travaille à augmenter par des découvertes nouvelles le trésor des textes sur lesquels elle peut se fonder. Il y a lieu de craindre, pour l’épigraphie latine, qu’on n’ait plus qu’à glaner dans l’Italie et dans Rome, après que s’est élevé, depuis 1863, date du premier volume, l’immense édifice du Corpus par les soins réunis de MM. Mommsen, Henzen et de Rossi, assistés d’une légion de travailleurs allemands et italiens. Le Corpus compte maintenant huit volumes en douze tomes in-folio ; c’est un des plus beaux monumens que pût souhaiter la science. La France, en des temps plus heureux, avait conçu le projet de cette œuvre considérable. Les plans en avaient été esquissés sous le ministère de M.