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PROMENADES ARCHÉOLOGIQUES.

ceux où il venait y prendre quelque repos : prope rivum somnus in herba.

La position de la source retrouvée, celle de la maison se devine. Horace nous dit qu’elles étaient près l’une de l’autre ; nous ne pouvons donc chercher que dans le voisinage. Capmartin de Chaupy plaçait la maison plus bas que la fontaine, vers le fond de la allée, dans un endroit où l’on voit encore quelques débris de murs antiques. Mais ces débris paraissent être postérieurs à Auguste ; d’ailleurs nous savons par Horace lui-même qu’il habitait un plateau escarpé et il parle de sa maison comme d’une sorte de forteresse. M. Pietro Rosa a donc raison de la mettre plus haut. Il suppose qu’elle devait être un peu au-dessus de la Madonna delle case ; là précisément on remarque un terrassement artificiel qui semble avoir été disposé pour servir d’aire à un édifice. Le sol est depuis longtemps cultivé, mais la charrue y fait souvent sortir de terre des morceaux de briques ou des tuiles brisées qui semblent provenir d’une construction ancienne. Est-ce là que se trouvait véritablement la maison d’Horace ? On peut le croire avec M. Rosa : il est sûr dans tous les cas qu’elle ne pouvait pas être fort éloignée.

De cet endroit élevé, jetons les yeux sur le pays qui nous entoure. Nous avons à nos pieds une vallée étroite et longue, au fond de laquelle coule le torrent de la Licenza ; elle est dominée par des montagnes qui, de tous les côtés, semblent se rejoindre. À gauche, la Licenza tourne si brusquement qu’on n’aperçoit pas la gorge dans laquelle elle s’enfonce ; à droite, le rocher sur lequel perche Roccagiovine semble avoir roulé dans la vallée pour en fermer l’accès, en sorte que nulle part on n’aperçoit d’issue. Je reconnais le paysage tel qu’il est décrit par Horace :


Continui montes, nisi dissocientur opaca
Valle.


Après un regard jeté sur ce bel ensemble de montagnes, je reviens à ce qui doit surtout nous intéresser. Dans cette étendue de terres que mes yeux embrassent, je me demande ce qui pouvait bien appartenir au poète. Il ne s’est jamais nettement expliqué sur les limites véritables de son domaine. Quelquefois il paraît désireux d’en diminuer l’importance : sa maison n’est qu’une maisonnette (villula) entourée d’un tout petit champ (agellus), dont son fermier lui-même ne parle qu’avec mépris. Mais Horace est un homme prudent, qui se fait petit volontiers pour désarmer l’envie. Je crois qu’en réalité son bien de la Sabine devait être d’une assez bonne grandeur. « Tu m’as fait riche, » disait-il un jour à Mécène ; riche, non pas sans doute comme ces grands seigneurs ou ces chevaliers qui possé-