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du caractère irlandais s’unit à la rude énergie, à l’esprit pratique, processif et obstiné de la nation écossaise. Cette race laborieuse et forte fournit un ample contingent à l’émigration du Nouveaux-Monde et donna aux États-Unis plus d’un homme illustre. C’est à elle qu’ont appartenu Calhoun, le grand orateur du Sud et le doctrinaire de l’esclavage, le président Polk, le célèbre journaliste Horace Greeley, et celui de tous qui en a conservé le plus profondément l’empreinte, le général André Jackson.

Le grand-père de ce dernier était un modeste marchand drapier de la petite ville de Carrickfergus, située à neuf milles de Belfast. En 1765, le plus jeune de ses quatre fils, émigra en Amérique avec sa femme, Élisabeth Hutchinson, qui appartenait à une pauvre famille de cultivateurs des environs. Ils débarquèrent à Charleston et se rendirent, à 160 milles au nord de cette ville dans un settlement où s’étaient déjà fixés un grand nombre de leurs compatriotes et qu’avait occupé précédemment la tribu indienne des Waxhaws. C’était une région fertile, située sur la frontière des deux Varolines, arrosée par la rivière la Catawba, et formant une sorte d’oasis au milieu des sombres forêts de pins dont ce pays était couvert. André Jackson et sa femme y vécurent pendant deux ans de la vie des pionniers américains, habitant une cabane formée de troncs d’arbres à peine équarris, défrichant la forêt, et cherchant à conquérir par le fer et le feu un sol rebelle et sauvage. La fièvre des bois interrompait souvent ces rudes labeurs : affaibli par les fatigues et les privations, le pauvre émigrant de Carrickfergus ressentit les atteintes du mal et y succomba. Sa femme restait veuve avec deux enfans et dans un état de grossesse avancée. Quelques jours après la mort de son mari, le 15 mars 1767, elle donna le jour. dans un misérable log-house où elle avait été recueillie, à un ; fils qui reçut, comme son père, le prénom d’André.

Le futur président des États-Unis passa les premières années de son enfance dans le settlement où il était né, chez un oncle qui possédait quelque aisance. Sa mère, qui, dans ses rêves d’ambition, aspirait à faire de lui un ministre presbytérien, l’envoya à l’école voisine. la somme de connaissances qu’il y acquit fut assez médiocre ; il apprit tout juste à lire, à écrire et à compter ; et son orthographe resta toujours d’une remarquable incorrection. Il excellait dans les exercices du corps : mais il passait pour un écolier sauvage, turbulent, d’une humeur emportée et d’un caractère intraitable.

Les événemens ne tardèrent pas d’ailleurs à interrompre son éducation et à troubler profondément sa vie. Il avait neuf ans lorsque fut signée la déclaration d’indépendance des États-Unis :