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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/818

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des armes et des munitions, et le général Pinckney, qui commandait dans le sud les troupes américaines, envoyait à Jackson l’ordre de maintenir à tout prix sa position afin de rendre impossible une jonction des Creeks avec les Anglais.

Jackson, dont la situation devenait chaque jour plus critique, adressait au gouverneur du Tennessee les plus pressantes dépêches pour solliciter l’envoi de renforts. Mais ce dernier, préoccupé de sa responsabilité, restait sourd à ces réclamations répétées ; il déclarait qu’après avoir appelé les troupes que le congrès et la législature de l’état l’avaient autorisé à lever, il ne pouvait faire davantage sans excéder ses pouvoirs, et il engageait le général à ramener ses troupes au plus vite sans chercher à prolonger une résistance devenue inutile. Le patriotisme de Jackson se révolta à cette pensée : « Vous n’avez, répondit-il au gouverneur Blount, qu’à agir avec la décision et l’énergie que nous commande cette crise, et tout ira bien : envoyez-moi des troupes engagées pour six mois, et je réponds du résultat. Refusez-les, et tout est perdu, l’honneur de l’état, le vôtre et le mien. » Blount se laissa toucher : il réunit le 27 janvier à Fayetteville deux mille quatre cents hommes levés pour six mois. Le secrétaire de la guerre ratifia ces mesures et autorisa de nouvelles levées. Il était temps de venir au secours de la poignée d’hommes que commandait Jackson : les miliciens l’avaient quitté le 4 janvier et avaient été suivis dix jours après par le plus grand nombre des volontaires. Il ne restait au camp que neuf cents jeunes soldats récemment engagés pour une durée de deux mois, disposés à faire une promenade militaire sur le territoire indien et à rentrer chez eux au plus vite pour y raconter leurs exploits. Le général se décida à les conduire à l’ennemi, et partit avec eux le 16 janvier pour une expédition de douze jours. A la première rencontre, la petite troupe fit son devoir et repoussa les Indiens. Après ce succès, les volontaires regagnèrent leur pays, tout fiers de leur marche triomphale sur le territoire ennemi, et comblés d’éloges par leur général dans une proclamation d’adieux. Leur retour ranima l’enthousiasme un peu attiédi des habitans du Tennessee, et facilita les enrôlemens. Le 3 février, la partie orientale de l’état envoya au fort Strother deux mille hommes : un nombre égal arriva deux jours après de la partie occidentale, et le 6 février, le 35e régiment d’infanterie des États-Unis vint compléter la petite armée. Pendant que les troupes se rassemblaient, le major William B. Lewis, l’un des plus fidèles amis de Jackson, veillait au ravitaillement et faisait réparer les chemins défoncés qui conduisaient au camp au travers de forêts marécageuses. Au bout de six semaines, l’approvisionnement était assuré, les communications rétablies, et cinq mille hommes étaient au fort Strother.

Ce résultat était l’œuvre de Jackson, il était dû à l’énergie avec