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des calculs partiels, insuffisans sans doute, mais qui aboutissent pourtant à des séries d’années atteignant cinq à six milliers pour le seul âge de la pierre polie (Rohenhausien), treize mille ans pour le dépôt d’une couche de limon du Nil inférieure à une statue de Rhamsès et à la base de laquelle on a rencontré un fragment de brique. Enfin, les stalagmites de la caverne de Kent, en Angleterre, qui recouvrent à la fois des objets romains et des instrumens de silex éclaté de l’âge magdalénien, ont permis à M. Vivian, en invoquant l’épaisseur proportionnelle des deux couches, de reporter au-delà de trois cent mille ans l’ancienneté des seconds. Il est vrai qu’il faudrait être certain que, dans tout cet intervalle, les eaux incrustantes n’ont été ni plus puissantes ni plus chargées de calcaire qu’elles ne le sont de nos jours, ce qui est loin d’être prouvé.

D’autres calculs ont plus de portée : ce sont des calculs généraux qui, sans avoir la prétention de fournir des dates rigoureuses, sont cependant de nature à faire imaginer la durée des temps quaternaires. — Les oscillations du sol européen sont à noter. Le Danemark, le nord de l’Allemagne et de la Russie ont été submergés pendant le quaternaire. La Scandinavie, après s’être affaissée, s’est ensuite relevée lentement. L’oscillation à laquelle l’Angleterre a été soumise a eu, dit-on, jusqu’à 400 mètres d’amplitude ; l’union de ce pays et du nôtre a certainement persisté pendant toute la période des éléphans « méridional, antique et primitif. » Ce sont là des mouvemens qui n’avaient rien de brusque, et si on les compare à ceux qui de nos jours agissent pour relever la péninsule Scandinave, et que l’on applique le chiffre le plus fort que l’on ait observé, celui de 1m,50 par siècle, à l’oscillation la plus faible qu’il soit possible de concevoir, on obtiendrait plus de soixante-dix mille ans. Mais, à un autre égard, quel temps n’a pas exigé l’apparition, la diffusion et finalement l’extinction des trois races d’éléphans et de rhinocéros qui ont successivement dominé et se sont mutuellement remplacées sur notre sol ! — Enfin, un autre phénomène plus grandiose et plus surprenant, l’extension des glaciers alpins, transportant des blocs erratiques sur une longueur qui varie de 110 à 280 kilomètres, a exigé une durée énorme. On sait que la vitesse maximum de ces blocs ne dépasse pas en moyenne 60 mètres par an, sur les pentes rapides ; mais les glaciers quaternaires, qui avaient envahi les dépressions inférieures, étaient loin de pouvoir accuser une pareille vitesse. Cette vitesse devait être cinq fois moindre, selon M. de Mortillet, et chaque bloc erratique aurait mis dès lors plus de vingt mille ans pour arriver du Mont-Blanc jusque dans la vallée du Rhône moyen. Ajoutons que le nombre des blocs ainsi charriés successivement, de manière à venir atteindre la moraine terminale, est énorme ; joignons encore à la période d’extension celle du retrait de ces