Ce qui, de l’avis des délégués du département de Constantine, rendait la protestation indispensable, c’est que « les sénateurs et les députés, isolés comme ils sont par les exigences de leur mandat, et obligés à résider à Paris, tendaient naturellement à y ramener la solution de toutes les affaires[1]. »
Par malheur, les votes des représentans de l’Algérie au sein de la commission spéciale ont prouvé que l’on ne s’était pas trop mépris à Alger sur leurs véritables intentions. En effet, tandis qu’ils n’ont montré que froideur pour s’occuper des questions relatives à l’organisation du gouvernement de l’Algérie, au rôle et aux attributions du gouverneur général, ils ont, au contraire, témoigné de la plus extrême ardeur au sujet des rattachemens. On eût dit qu’ils n’avaient rien tant à cœur que de diminuer la position de M. Albert Grévy en se donnant toutes facilités pour pouvoir, en dehors de lui et par-dessus sa tête, traiter directement, à Paris, toutes les affaires de l’Algérie avec les chefs de service de nos divers ministères. Un seul commissaire, M. Jacques, alors député, nommé depuis sénateur, prit sur lui de rappeler qu’en plein empire, à une époque où l’on ne songeait nullement à rétablir le ministère de l’Algérie, la commission de 1869 avait décidé, sur le rapport de M. Béhic : « que le gouverneur-général aurait rang de ministre et qu’il serait responsable de ses actes devant les Chambres, tout en continuant à résider à Alger. Aujourd’hui, ajoutait M. Jacques, nous ne savons pas quel est le ministre que nous pouvons interpeller devant les Chambres[2]. » Il paraît que la mesure proposée en 1869 était trop imprudente. Des scrupules surgirent, et le ministre la dénonça comme inconstitutionnelle. Devant cette déclaration, la commission s’arrêta court ; cependant plusieurs de ses membres exprimèrent le désir « qu’il fût pris acte du regret qu’ils éprouvaient de ne pouvoir établir la responsabilité ministérielle[3]. »
A Alger, les délégués des conseils-généraux furent infiniment plus hardis. Je ne saurais taire la joie que j’ai éprouvée à les entendre proclamer hautement une vérité qu’à plusieurs reprises j’ai cru de mon devoir de porter, bien inutilement, à la tribune : « Préoccupés, disait le rapporteur, d’énumérer les améliorations indispensables au bon fonctionnement des pouvoirs du gouverneur général, nous les résumons ainsi : « Le gouvernement de l’Algérie doit former un département à part avec un budget particulier et un gouverneur responsable devant les deux chambres… » Il leur semblait également nécessaire que le gouverneur général fût l’intermédiaire