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soirement. On ne réussira pas probablement à s’entendre, avant les vacances, sur les syndicats professionnels, pas même peut-être sur la loi des récidivistes. On n’aura pas non plus le temps de voter la loi municipale, quoique ce fût après tout assez opportun pour les élections qui se feront dans quelques mois. On arrivera tant bien que mal, à travers quelques interpellations et quelques discussions inutiles, à la fin de la session. Ce qu’il y a de plus clair en tout cela depuis trop longtemps, c’est qu’on veut avoir l’air de s’agiter, d’entreprendre toutes sortes de réformes, et qu’en réalité on ne fait à peu près rien de sérieux. Dans toutes ces œuvres législatives, qui heureusement encore restent le plus souvent interrompues, il y a un indéfinissable mélange d’ambition remuante et de stérilité. Un député, M. le comte Lanjuinais, l’a dit l’autre jour une fois de plus à la chambre d’un accent sincère et simple : « Vous avez touché à tout, et si vous n’avez pas tout détruit, vous avez du moins tout ébranlé, parce que vos tentatives de réformes ne sont pas faites dans l’intérêt de la France, mais uniquement pour donner satisfaction aux rancunes d’un parti politique… »

Rien de plus tristement vrai, et le mal vient de deux causes qui n’en font qu’une : c’est qu’il n’y a pas d’abord dans cette chambre, quoi qu’on en dise, une majorité réelle ayant une politique, une direction, une intelligence précise de la situation et des intérêts du pays. Ce qui existe réellement, c’est une certaine confusion où les plus modérés, qui seraient peut-être encore assez nombreux s’ils essayaient de se reconnaître, subissent la loi des radicaux et acceptent souvent sans conviction des lois qu’ils espèrent voir rejetées par le sénat. Il n’y a pas une vraie majorité, et il n’y a pas non plus un gouvernement pour la faire, pour la conduire à l’action. M. le président du conseil, au début de son ministère, a paru avoir, avec son collègue de l’intérieur, cette ambition très légitime de replacer le gouvernement dans des conditions plus fortes, de rallier une majorité parlementaire, Il l’a voulu peut-être ; il semble depuis quelques semaines avoir de moins hautes visées et se borner à vivre comme la chambre, en se soumettant à ce qu’il ne croit pas pouvoir éviter, en se faisant le complice des tristes passions de parti auxquelles il craindrait de résister. Vainement M. le président du conseil cherche à se consoler en allant réciter des harangues à Versailles pour l’anniversaire du serment du Jeu-de-Paume et en se donnant le plaisir de railler agréablement les partisans de la révision de la constitution. Il se moque des révisionnistes parce qu’il les voit peu en faveur, et, en attendant, sur bien d’autres points, il subit la loi du parti ; il livre aux passions républicaines ou radicales et l’indépendance de la magistrature, et l’intégrité de l’armée, et la sûreté de l’industrie. Il se laisse surtout imposer cette politique de guerre religieuse qui poursuit ses médio-