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succédaient aux motions ; le moindre incident servait de prétexte aux interpellations ; tantôt c’était une dénonciation pour avoir autorisé le passage sur le territoire français de quelques troupes allemandes, usage réciproque et nécessaire pour les changemens de garnison ; tantôt c’était la signature donnée pour le passeport de Mesdames tantes du roi. Les orages s’amoncelaient sur Montmorin ; combien de temps encore eussent-ils pu être dissipés, même si Mirabeau eût vécu ?

Le 31 mars 1791, Montmorin écrivait à La Marck : « Je suis entièrement effrayé et tout aussi affligé. Le billet de Cabanis, ce matin, était détestable. Je renvoie pour savoir des nouvelles. Si elles sont aussi mauvaises que ce matin, si l’état continue à être aussi dangereux, ne pensez-vous pas qu’il y aurait quelques précautions à prendre pour les papiers ? On me dit qu’il pourrait y avoir plusieurs personnes compromises. Je suis bien inquiet, très affligé, très découragé. »

Le 2 avril, en effet, Mirabeau mourait ; avec lui disparaissaient les derniers rêves constitutionnels caressés par Montmorin. Son abattement fut profond. Il ne s’en releva pas ; il offrit sa démission, mais le refus de M. de Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Constantinople, le força de reprendre une lutte qui l’avait lassé. Désormais il va consacrer ce qui lui reste à vivre à essayer de sauver les jours du roi. Son autorité près de lui baissait avec ses espérances ; quelques semaines à peine s’étaient écoulées qu’il ne dissimulait plus qu’on marchait à la république. L’assemblée n’avait-elle pas, le 7 avril, voté la résolution par laquelle aucun député ne pourrait entrer dans le ministère que quatre ans après la fin de la législature ?


V

Quelle politique extérieure pouvait prendre place entre ces deux années 1791 et 1792 ? La révolution écrivait un droit diplomatique nouveau. C’était contre l’empire germanique que sa première action extérieure devait s’exercer. Le décret du 4 août 1789 avait dépouillé de leurs droits féodaux plusieurs princes ecclésiastiques et laïques de l’empire, à raison de leurs possessions enclavées dans les provinces d’Alsace, de Franche-Comté et de Lorraine. Dès le mois de janvier-suivant, les délégués du cercle du Haut-Rhin, assemblés à Francfort, avaient pris un conclusum portant que l’empereur et le corps germanique étaient requis d’accorder appui et protection aux états, à la noblesse et au clergé de l’empire contre les actes de l’assemblée nationale. Léopold, en entrant à Francfort (fin septembre 1790) avait promis d’appuyer les droits des princes