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IV

Cobden, ramené, à la chambre des communes par le vote des électeurs de Rochdale, intervint rarement dans les discussions pendant la session de 1859. Son activité était ailleurs. Ce fut à ce moment, qu’il prépara le traité de commerce entre la France et l’Angleterre. Dans son pays, Cobden est demeuré, avant tout, le promoteur du rappel des corn-laws, le héros de la ligue ; en France, il est connu, comme le promoteur du libre échange, comme l’auteur du traité de commerce. Tout le monde, en Angleterre, sait l’histoire de la ligue ; bien peu, en France, savent l’histoire du traité de 1860, qui est, cependant, l’un des actes les plus considérables de notre temps. Cet acte s’est accompli sous l’empire, cela suffit pour qu’il soit mal jugé ; il a porté atteinte à des intérêts, à des privilèges ; ces blessés ne pardonnent pas et ils tentent aujourd’hui même, non sans quelque succès, de prendre leur revanche contre l’œuvre de l’Anglais Cobden et de ses complices. — La correspondance de Cobden et les commentaires de son biographe, M. Morley, racontent sûrement les circonstances et les incidens qui ont motivé, précédé et accompagné la conclusion, du traité de 1860. Tout s’est passé, comme on va le voir, de la façon la plus simple, à l’honneur des négociateurs et dans l’intérêt des deux pays.

Il faut d’abord rappeler que les relations entre la France et l’Angleterre étaient alors devenues peu cordiales ; dans les premiers mois de 1859, elles avaient pris un caractère d’aigreur qui. commençait à devenir alarmant. En Angleterre, l’opinion publique se prononçait avec une terreur croissante au sujet. des plans d’invasion que l’on attribuait à l’empereur Napoléon III, et le parlement votait millions sur millions pour parer à la défense. En France, le sentiment national était agacé, surexcité par les récriminations anglaises, qui ressemblaient à des provocations, et le gouvernement éprouvait, pour le contenir, de sérieux embarras. Dans les deux pays, les esprits calmes et rassis redoutaient le moment où les canons partiraient tout seuls. — Au cours d’une discussion sur la défense nationale : (session de 1859), M. Bright, qui était contraire à ces armemens exagérés, suggéra l’idée d’aborder franchement l’empereur des Français et de lui demander l’établissement d’un régime commercial qui multiplierait les relations entre les deux peuples et rétablirait la bonne harmonie. Le conseil donné par M. Bright n’était, dans la pensée de l’orateur, qu’un argument de discussion ; une fois de plus, l’avocat de la paix universelle recommandait la