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purifiée. Et si l’arche, au lieu de flotter tranquillement sur les eaux paisibles paraît à demi submergée par la tempête, comme dans une fresque du cimetière de Calliste donnée par M. l’abbé Martigny[1] avec deux personnages dont l’un, debout dans l’attitude de la prière, est soutenu par une main qui semble sortir des nuages, tandis que l’autre se débat au milieu des flots, on dira que c’est l’image du fidèle affermi par la grâce et de celui qui est le jouet des passions. Une brebis au-dessus de laquelle est écrit le mot : Susanna, entre deux bêtes féroces au-dessus desquelles on lit : Seniores, ce n’est pas Susanne figurée entre les deux vieillards en dépit des inscriptions, c’est l’église en butte aux doubles attaques de la violence et de l’hypocrisie. Moïse frappant de la verge le rocher d’Horeb et en faisant jaillir l’eau qu’un ou deux personnages recueillent avidement, c’est encore le baptême, source de la vie spirituelle. Le rocher, c’est le Christ, et Moïse, c’est parfois une sorte d’abstraction, et parfois saint Pierre ; — Daniel debout entre les lions qui tantôt s’élancent prêts à le déchirer, tantôt sont assis comme des animaux domestiques, c’est l’église au milieu des persécutions impuissantes. De même les trois Babyloniens débout les bras étendus, dans l’attitude de la prière, au milieu des flammes qu’ils foulent aux pieds, sont le clair symbole des tribulations et des épreuves dont la prière, c’est-à-dire la confiance en Dieu, sauve les fidèles. L’histoire de Jonas précipité du navire dans les flots, avalé par le monstre des abîmes, puis rejeté par lui sur le rivage et se reposant étendu sous la courge, ce drame mythique en trois actes est le symbole de la vie qui paraît s’éteindre dans la mort et bientôt se rallume et renaît. C’est l’âme qui traverse la mort en triomphe et se repose dans les frais ombrages que Dieu a préparés. On va jusqu’à noter que dans le navire d’où Jonas est précipité dans l’eau, qui figure le baptême, le mât avec l’antenne qui le coupe à angles droits forme une croix, d’où la conclusion qu’il faut avoir été initié à la religion de la croix et avoir été immergé dans l’eau baptismale pour arriver à la résurrection. On note encore que, si Jonas est nu, c’est qu’il n’a aucune force en lui-même et tire tout du secours de Dieu. On fait la même remarque pour expliquer la nudité de Daniel entre ses lions. Par malheur, Daniel dans les catacombes est tantôt représenté nu, tantôt vêtu d’une tunique. Il en est de même de Jonas[2]. J’ignore si la symbolique a donné des raisons de cette différence. Évidemment si elle les a cherchées, elle les a trouvées. Dans les marbres des sarcophages qui représentent Adam et Eve chassés du paradis, on

  1. Dictionnaire des antiquités chrétiennes, page 226.
  2. Cf. dans la planche XXXV, les figures 3 et 5.