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explique que la chute est figurée par la nudité de nos premiers parens. La Genèse ne dit-elle pas, au contraire que c’est après la chute qu’ils s’aperçurent qu’ils étaient nus, en rougirent et se voilèrent ? Tel marbre représente le prophète Ezéchiel avec un disciple et des suivans. A ses pieds sont deux têtes décharnées et un corps nu[1]. « Os desséchés, dit le prophète, dans un admirable morceau de l’Écriture, écoutez la voix de l’Éternel. Voici, je vais faire entrer l’esprit en vous, et vous revivrez, et je mettrai des nerfs sur vous et je ferai croître de la chair sur vous, et vous revivrez, et vous saurez que je suis l’Éternel[2]. » Le prophète qui ressuscite les morts au nom de l’Éternel, c’est, nous dit-on, le type de l’envoyé du ciel assis un peu plus loin sur les genoux de Marie. Tel autre marbre représente le sacrifice d’Abraham ; Isaac, l’innocente victime, c’est le symbole de Jésus. Job sur le fumier est l’image du juste qui, en dépit de tout, croit à la résurrection. Tobie, nu, le poisson à la main, c’est quelque pêcheur d’âmes qui a retiré un homme de cette mer orageuse où l’arche est ballottée. David armé de la fronde, c’est la foi triomphante. Avec elle, le faible est fort et victorieux. Orphée jouant de la lyre au milieu des bêtes, mythe païen adopté par les chrétiens à cause de son charme innocent, est l’emblème des divines harmonies de la grâce qui dompte les passions, abreuve les âmes et ressuscite les morts.

On n’applique pas seulement cette méthode d’interprétation, trop souvent subtile, toujours arbitraire et forcée, aux sujets empruntés à l’Ancien-Testament, mais aussi aux sujets tirés de l’Évangile, aux représentations des miracles qui y sont relatés. On ne s’arrête pas à ce scrupule qu’il y a quelque irrévérence à tourner ces miracles, racontés comme des faits réels, en allégories et en figures. Ainsi, dans les représentations si fréquentes aux catacombes de Lazare ressuscité, de l’aveugle guéri, du paralytique obéissant à la parole de Jésus : « Lève-toi, charge ton petit lit, et marche, » et emportant en effet son grabat sur son dos, il faut comprendre cette idée cachée et pourtant transparente que c’est la foi qui assure la vie future, donne la clairvoyance spirituelle, affranchit l’âme et la délivre des chaînes et de la paralysie du péché, la foi supérieure au baptême et sans laquelle celui-ci n’est que lettre morte. De même dans les Actes d’un martyr d’Orient écrits au IVe siècle, un chrétien répond à son ami qui l’interroge et lui demande si les hommes peuvent obtenir les biens du ciel sans avoir reçu le baptême : « Tout est pur pour les purs. » Aux aveugles qui s’approchaient de lui et le

  1. Tome II, planche LXIX, page 152.
  2. Ezéchiel, XXXVII.