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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/394

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séparées du christianisme s’y sont heurtés comme dans un champ clos. Le catholicisme ultramontain y a cherché et trouvé des motifs de s’assurer. Ses plumes militantes ont prétendu qu’il était là tout entier avec tous ses dogmes, tous ses sacremens et toute sa liturgie, et déclaré que les catacombes enseignent clairement à qui sait voir et lire, le purgatoire, la communion des saints, le culte de la sainte Vierge, la hiérarchie de l’église, la primauté de saint Pierre et le reste ; qu’à tout cela, par suite, le temps n’a rien changé, rien ôté, ni rien ajouté.

C’est contre cette thèse hautaine, je l’ai dit, que M. Roller a pris la plume. C’est pour la combattre et la réfuter qu’il a écrit son ouvrage considérable, lequel, quoique d’un caractère généralement négatif, voile un autre dogmatisme. Il pourrait s’intituler : la Théologie des catacombes d’après les monumens écrits et les monumens figurés. Il m’a paru que le protestantisme y montre un bout d’oreille ; que, quelle que soit la thèse qu’on soutienne, il est aventureux de tourner en métaphysique des acclamations, des élans de cœur et de foi et des thèmes décoratifs appropriés. La théologie chrétienne ne s’est pas faite en Occident. Elle n’est pas un fruit du génie romain. Elle n’est pas toujours fort claire ni très explicite dans les pièces écrites des trois premiers siècles : comment espérer la lire couramment dans des épitaphes qui sont à ces pièces écrites ce qu’est l’interjection au discours ?

J’accorderai certes à M. Roller qu’il peut être intéressant, à propos de ces premiers bégaiemens du christianisme naissant, de comparer le présent au plus lointain passé ; mais a-t-on ici tous les élémens nécessaires pour instituer cette comparaison ? Si l’on fait appel aux textes, on sort des catacombes, on s’engage dans d’inextricables et vaines disputes. Je dis vaines, parce qu’on ne convainc personne et qu’il n’y a guère d’exemple qu’un protestant ait fermé la bouche à un catholique, ni un catholique à un protestant ; on risque aussi, pour expliquer de courtes épitaphes, d’employer des documens que les graveurs des catacombes et les fidèles pour lesquels ils travaillaient n’ont pas connus. Si l’on veut ne pas sortir de ces vieilles cryptes, on manque du premier terme de la comparaison ; car, à proprement parler, il n’y a pas de théologie aux catacombes, mais seulement un état de la conscience humaine très vivant sans doute, mais en même temps très synthétique. Ceux qui ont écrit sur la théologie pour éclairer les hommes de leur temps et, par suite, ceux de l’avenir, n’ont pas toujours été compris de même façon des uns et des autres. Il serait extraordinaire qu’il en fût autrement de ceux qui ont professé le dédain du siècle et n’ont pas prétendu faire œuvre de propagande ni instruire personne. Les