avait été massacré et était mort en bénissant ses meurtriers. Les meurtriers, leurs complices et leurs congénères, tués en combattant, fusillés, en fuite ou déportés, avaient laissé derrière eux des enfans que la faim menaçait et que le vice allait prendre. L’archevêque s’émut et par une lettre pastorale invita la charité à venir en aide à ces orphelins rouges qu’il adoptait. Si c’est là ce que l’on nomme le « cléricalisme, » il faut reconnaître que le cléricalisme a du bon.
L’abbé Roussel, non plus, ne pouvait rester indiffèrent ; les événemens avaient triplé le nombre de ses élèves. Les orphelins refluaient vers lui; on lui en amenait, il en ramassait; quelques-uns bien avisés venaient d’eux-mêmes. La plupart des ateliers de Paris étaient en chômage; dans beaucoup de corps d’états, il fallait avant de fabriquer de nouvelles marchandises, écouler le stock que la guerre et la rupture des relations commerciales avaient immobilisé. Le placement des apprentis devenait presque impossible; les circonstances étaient tellement urgentes que la création d’une école professionnelle, essayée dans de très étroites proportions avant la guerre, s’imposait à la charité de l’abbé Roussel. Successivement, avec plus d’espérances que de ressources, des ateliers pour des menuisiers, des serruriers, des mouleurs, des tailleurs, des feuillagistes se groupèrent autour du premier atelier de cordonnerie, qui, lui-même, avait reçu un développement considérable. Au lieu de quitter l’œuvre à douze ou treize ans, après leur première communion, les enfans y pouvaient rester jusqu’à dix-huit, jusqu’à vingt ans et ne s’en aller que nantis du bon outil qui fait vivre. Dieu seul saura jamais ce qu’il a fallu de persistance dans le dévoûment, de foi dans la charité humaine et de fatigues pour ne pas succomber à la tâche ! L’abbé Roussel sut ne point faiblir, il avait accepté, il avait recherché de subvenir aux besoins, à l’instruction, à l’apprentissage de tous les enfans qui lui demandaient asile; pour parer à tant d’exigences, il n’avait que son bon vouloir. Là aussi on vécut au jour le jour; plus d’une fois on fut aux expédiens; avec une admirable imprudence, l’abbé Roussel empruntait; sans regarder devant lui, il engageait sa signature, persuadé qu’aux jours d’échéance Dieu ne laisserait pas protester le sort des orphelins.
Un 1878, un dossier signalant la conduite de l’abbé Roussel fut adressé à l’Académie française, qui le transmit à la commission chargée d’apprécier les actes dignes de figurer sur les tables d’or de la vertu. M. de. Montyon n’a pas voulu seulement que la vertu fût récompensée, il a voulu surtout qu’elle fût célébrée, et c’est pourquoi le soin de la découvrir et de la mettre en lumière a été confié à la compagnie qui parle dans des assises solennelles et dont la voix éveille les échos de la publicité. L’Académie apprécia tant d’efforts