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caché de ce complot criminel. Au sein du ministère, il servait d’espion aux rebelles, il les tenait au courant de ce qui s’y faisait ; d’ailleurs il y réclamait sans cesse de nouvelles mesures de faveur envers l’armée et il s’y opposait énergiquement à toute tentative de réorganisation, de rétablissement de la discipline. À quoi bon ? La soumission, selon lui, était complète ; il donnait sa parole d’honneur qu’il n’y avait plus rien à craindre du côté des troupes, tandis qu’un reste de méfiance risquait de les relancer dans la révolte.

Cependant la situation devenait intolérable. Il était évident pour tout le monde que Mahmoud-Samy trahissait. L’écho des réunions des officiers retentissait dans le public ; une instabilité redoutable régnait en Égypte. Le khédive et Riaz-Pacha crurent bien faire en remplaçant Mahmoud-Samy par un nouveau ministre de la guerre, Daoud-Pacha, beau-frère du khédive. C’était un acte énergique, mais on n’avait plus le moyen de le soutenir. Le bruit courut immédiatement qu’une nouvelle émeute allait éclater. Il fut démenti par une proclamation officielle émanée d’une grande commission militaire qui avait été réunie au Caire pour faire un règlement sur les grades et pour mettre un terme à tous les abus et passe-droits dont s’étaient plaints les colonels. Arabi faisait partie de cette commission. Il mit sans hésiter sa signature au bas d’un document qui affirmait que l’armée n’avait plus aucune réclamation à faire, qu’elle avait obtenu toutes les satisfactions légitimes, et que d’indignes calomniateurs pouvaient seuls l’accuser de songer à se soulever contre le souverain libéral auquel elle devait une éternelle reconnaissance. Quelques jours après, le même Arabi adressait une circulaire aux consuls pour leur annoncer qu’il avait résolu d’occuper la place d’Abdin, de cerner le palais du khédive, d’exiger la chute du ministère Riaz-Pacha, la constitution d’un ministère nouveau, la création d’une chambre des notables, et pour les prier de ne s’émouvoir en rien d’une entreprise qui n’était aucunement dirigée contre les Européens. Ce n’était point une vaine menace. Le 3e régiment, en garnison à la citadelle du Caire, avait reçu l’ordre de se rendre à Alexandrie. Ce départ diminuait les forces du parti militaire ; or les troupes qui avaient pris part à l’échauffourée de février étaient solidaires dans la révolte ; unies, elles espéraient pouvoir toujours résister ; séparées, elles redoutaient la juste punition des fautes commises. Les chefs du mouvement décidèrent donc de ne pas permettre le départ du 3e régiment, et voici comment ils s’y prirent pour l’empêcher. Arabi qui était devenu, comme je le dirai tout à l’heure, le maître de l’armée, lança des ordres à tous les régimens ; c’est lui qui les convoqua à venir, suivant l’expression