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plus belle. Le 11 juillet, à sept heures du matin, le bombardement commença, Arabi se rendit, par précaution, dans un des forts les plus éloignés de la plage avec ses principaux lieutenans. A dix heures, les fortifications étaient en ruines. Les dépêches anglaises ont affirmé que les soldats égyptiens avaient supporté avec courage cette première épreuve. Rien n’est moins exact. De l’aveu de Mahmoud-Fhemy, chef de l’état-major, ils n’ont pas résisté un instant. Le tir de l’armée égyptienne a été déplorable; celui des frégates anglaises, sans être bien remarquable, a porté immédiatement la panique dans les rangs des soldats d’Arabi, qui ont pris la fuite. Néanmoins, au milieu de la lutte, Arabi envoyait au Caire une dépêche ainsi conçue : « Les bateaux anglais ont bombardé; les forts ont répondu habilement; le bombardement a cessé. » Une autre dépêche annonçait que toute l’escadre anglaise avait péri. « Pour donner une idée de la portée de nos canons, ajoutait-elle, nous dirons que le seul boulet qui n’ait pas atteint un navire anglais a été tomber en Chypre. » Un troisième bulletin de victoire apportait la nouvelle de la capture de l’amiral Seymour, si bien que, chaque jour, la population du Caire se rendait à la gare pour voir passer l’amiral anglais, et que, chaque jour aussi, un faux Seymour quelconque était appréhendé par les plus crédules, promené dans la ville, et accablé d’outrages. Cependant le vrai Seymour montrait peu de décision ; les forts ruinés, il aurait fallu descendre à Alexandrie, ne fût-ce qu’avec quelques centaines d’hommes; on n’y aurait pas trouvé l’ombre d’une résistance. A la seule vue des frégates rentrant dans les bassins, l’armée égyptienne se serait dispersée dans tous les sens. L’incertitude des Anglais lui a donné le temps de se raviser. Les lieutenans d’Arabi, réunis autour de lui au fort de Dinar, disaient qu’il fallait brûler et saccager la ville afin de ne laisser aux Anglais que des débris fumans et ensanglantés. Pour commencer, Arabi donna l’ordre de relâcher les cinq cents misérables qui avaient été arrêtés comme impliqués dans le massacre du 11 juin; les huit cent soixante-trois forçais de l’arsenal s’évadèrent à leur tour. Les instrumens de l’horrible tragédie qui allait se jouer étaient prêts.

Dans la nuit du 11 au 12 juillet, Arabi, Mahmoud-Samy et les autres chefs de la révolte se réunirent à la porte de Rosette, dans la chambre de Soliman-Samy. Le lendemain, de bonne heure, le drapeau blanc fut hissé sur les murs de la ville pour que l’ennemi ne songeât pas à troubler la sinistre besogne qui allait s’effectuer. En même temps, Soliman-Samy sortait de la chambre où il était resté toute la nuit en conciliabule avec Arabi et Mahmoud-Samy ; il réunit ses soldats et les conduisit sur la place des Consuls afin de commencer l’œuvre de destruction; des voitures chargées de pétrole