Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/852

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

regarde comme criminels de haute trahison ceux qui ne pensent pas comme lui. » Le mémoire se terminait ainsi : « La seule faveur qui me reste à demander à mes lecteurs, c’est de vouloir bien lire les pièces entières de ma correspondance, et de me juger d’après l’impression qu’ils recevront de cette lecture. »

L’impression fut, en effet, profonde; lorsque le surlendemain, Chabot, au nom des comités, donna communication de son rapport, lorsqu’il essaya de répandre des doutes, même sur la fidélité de Rochambeau, de Dillon, de La Fayette, les murmures d’indignation le forcèrent à supprimer des pages entières. Comme conclusion à ce long débat sur le comité autrichien, l’assemblée se contenta de renvoyer les nouvelles pièces énoncées dans le rapport, à l’examen des comités compétens.

Montmorin pouvait se croire sauvé. Pour assurer son repos à la campagne, il avait fait distribuer dans l’Yonne par l’intermédiaire de Peyron de nombreux exemplaires de sa défense. A Paris, un homme de cœur, l’ami de sa fille Pauline, François de Pange, s’était hardiment jeté dans la mêlée. Après une vive polémique avec Brissot, le jour même où il montait à la tribune pour accuser Montmorin, François de Pange, dans le soixante-quinzième supplément du Journal de Paris, lui adressait cette philippique : « Vous allez prouver à l’assemblée, dites-vous, l’existence du comité autrichien? Au moment où l’Autriche est en guerre avec la France, ce mot ne peut désigner qu’une société d’ennemis publics. Le comité de surveillance a déclaré n’avoir pas les preuves de l’existence d’une telle société; mais vous vous êtes engagé à les fournir. Vos espions sont-ils donc meilleurs que les siens ? » Et le vaillant journaliste continue de flétrir, en citant ses phrases, l’ancien adulateur du roi. L’article finit par ces mots : « Je ne vous retiens plus, homme du 10 mars ; paraissez à la tribune ! »

Dès que le mémoire de Montmorin paraît, François de Pange prend la plume et signe à la fois, dans le numéro trente-six de l’Ami des patriotes et dans le quatre-vingt-cinquième supplément du Journal de Paris, une éloquente apologie de l’ancien ministre.

« Attaqué de la sorte (nous citons les dernières lignes), M. de Montmorin n’a pas eu de peine à se justifier; toutes ses réponses sont simples, parce qu’on n’a pas besoin d’emphase quand on dit la vérité; elles sont claires et courtes, et c’est dans cette discussion qu’on a vu, pour la première fois peut-être, la réplique de l’accusé être plus brève que l’écrit accusateur. — Brissot s’est présenté au combat avec de faibles moyens, mais il avait pour auxiliaire l’art d’interpréter et de noircir les plus secrètes pensées, celui de transposer les phrases, celui d’altérer les termes et surtout le courage cynique de mentir imperturbablement... Quand Brissot emploie tous