Qu’un commerçant soit assuré de toujours trouver la ressource nécessaire et puisse non-seulement négocier son papier, mais obtenir toutes les avances utiles, il ne reculera pas devant une commission plus ou moins large ; que, d’un autre côté, le banquier, par d’anciennes et fructueuses relations, reste convaincu que nul retard n’est à craindre dans les échéances, il donnera tous les capitaux et tout le crédit demandés, et ainsi se noueront au profit des uns et des autres ces transactions faciles et d’autant plus profitables qu’elles auront pour base des traditions de famille et un passé irréprochable. Malheureusement, les rangs de cette aristocratie provinciale tendent à s’éclaircir, le nombre des fils qui continuent le travail paternel diminue de jour en jour, et il faut le regretter, parce que ni les banquiers que nous appellerons cosmopolites, ni les banques, ainsi que nous le verrons plus tard, ne peuvent remplacer ces correspondans, qu’inspirait non-seulement l’amour du profit légitime, mais qu’animaient aussi des sentimens de confiance mutuelle et d’affection.
En tirant des exemples qui précèdent l’enseignement qu’ils comportent, on peut dire que les banquiers comme MM. de Rothschild servent à unir les peuples dans des opérations communes, à placer les grands emprunts d’états, à créer ces courans de capitaux, élémens de civilisation et de progrès, grâce auxquels les pays se transforment, se renouvellent ou se raffermissent. Les grands banquiers parisiens comme MM. Mallet, moins puissans individuellement, mais presque aussi forts quand ils s’unissent, s’associent à l’œuvre générale, dont ils deviennent les premiers ouvriers, et dont, par leurs correspondans en France et à l’étranger, ils assurent le succès. Doués d’un vaste esprit d’initiative, ils devinent et créent les affaires; leur participation est une garantie de réussite; et quand le public est appelé à y souscrire il le fait avec ardeur, parce que la gestion en sera intègre et l’exécution habile. Après eux viennent enfin, dans les villes importantes, les banquiers dont le rôle consiste à aider le commerce et l’industrie de la localité soit en fournissant les moyens d’action par des avances qui ne sont pas refusées même aux jours de resserrement du crédit, soit en recouvrant le papier avec lequel les acheteurs soldent leurs comptes, intervenant ainsi utilement au début et à la fin des opérations.
Le rôle des banquiers ainsi compris et rempli avec un succès de plus en plus grandissant, ainsi que cela a lieu en France et sans que les crises récentes l’aient le moins du monde compromis, quel peut être celui qui est réservé aux banques proprement dites, à ces sociétés anonymes par actions dont nous avons vu la création toute récente et que des malheurs subits sont bientôt venus frapper?