Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/946

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

professeur, mais il n’est peut-être pas nécessaire d’exceller à la scène pour être utile dans une chaire. J’ai ouï dire que Mlle Thénard avait des élèves : je n’irai pas jusqu’à demander, fort de cet exemple qu’un cul-de-jatte soit maître à danser; mais je prétends qu’un bossu peut être professeur de maintien. Les médiocres, du moins, parmi les artistes qu’on appellerait au Conservatoire, pourraient servir de répétiteurs ; les bons seraient les professeurs, les vrais maîtres de cette jeunesse. Mais surtout, ce principe constitutionnel étant posé, que le Conservatoire est une école de tragédie et de comédie classiques, il faudrait par une manière d’acte organique, en déterminer l’enseignement. Que le ministre des beaux-arts fasse rédiger un programme d’études par des gens compétens, et, s’il est possible, étrangers au Conservatoire, étrangers même aux comités et aux jurys qui sont déjà compromis dans le gouvernement de cette maison; — par des auteurs, par des critiques, par des comédiens de premier ordre, et qui abordent la question avec des yeux tout neufs : — pour en indiquer un seulement de chaque sorte, je nommerai M. Augier, M. Sarcey, M Coquelin; — que ces messieurs façonnent une charte aussi légère, aussi flexible, aussi respectueuse des différentes méthodes et des différentes natures, aussi peu gênante pour l’originalité du maître et pour l’originalité de l’élève, que un et l’autre puissent l’espérer; mais qu’en vertu de cette charte, le travail de chaque professeur profite à celui des autres; que chacun ne soit plus enfermé dans sa classe et obligé d’improviser un enseignement complet; qu’il ne soit plus obligé surtout, quel que soit son enseignement, de l’improviser; qu’il n’en garde pas le droit; que sa fantaisie soit réglée; qu’il ne puisse pas, si tel est son caprice, laisser Corneille, Racine et Molière pendant toute l’année dans l’oubli, pour faire étudier Angelo, l’Étrangère et les Faux Ménages; que la connaissance du répertoire classique soit sauvegardée; que les élèves soient guidés, par tels chemins qui peuvent varier à l’infini, mais passent toujours par certains points, d’un bout à l’autre de cette littérature, qui sera comme la patrie de leur talent; que le directeur une fois cette machine établie, veille au jeu régulier de chaque ressort et qu’il assure l’harmonie du tout; qu’il maintienne, pour en perpétuer la vie, l’unité de ce grand corps dont il sera la tête : — à ce prix, mais à ce prix seulement, le Conservatoire fera l’office qu’il doit faire et méritera de tenir son rang parmi les Écoles de l’état.

En effet, ces réformes sont les principales : elles portent sur la matière de l’enseignement et sur le choix des professeurs ; elles intéressent l’art plus directement que les autres. Mais il suffit de parcourir L’opuscule de MM. de Leymarie et Bernheim pour se convaincre que ce ne sont pas les seules, et que la condition des élèves doit être modifiée aussi bien que celle du directeur et des maîtres. Ces changemens sont de l’ordre administratif plutôt que littéraire ; ce détail doit être examiné