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profit des victimes du pillage et de l’incendie. Mais voyez quel singulier hasard ! Il s’est trouvé que presque aucun d’eux n’avait d’importantes propriétés, et que ceux qui en avaient étaient accablés de dettes qu’il fallait payer avant tout. La fortune des plus riches appartenait à leurs femmes ou à leurs parens. De plus, il a été décidé qu’on ne les fouillerait pas à leur départ pour s’assurer si quelques bijoux de grand prix ou quelques titres de rente ne se seraient pas égarés dans leurs poches. C’eût été un acte indiscret envers des personnages aussi délicats qui n’ont, comme chacun sait, aucun débris du pillage d’Alexandrie dans les mains. Je m’étonne d’ailleurs qu’on ait même prononcé un décret de confiscation contre les rebelles, attendu que le hatti-cherif de Gullkané du 3 novembre 1833, qui est applicable à l’Égypte, interdit formellement toute mesure pareille : « Chacun possédera, dit-il, ses propriétés de toute nature et en disposera avec la plus entière liberté sans que personne puisse y porter obstacle. Ainsi, par exemple, les héritiers innocens d’un criminel ne seront point privés de leurs droits légaux et les biens du criminel ne seront pas confisqués. » Quoi de plus clair ? On a bien senti en Égypte qu’on violait la loi et qu’on commettait encore un acte arbitraire en confisquant les biens des insurgés ; mais pour donner à cet acte, parfaitement illégitime, une apparence de légalité, on s’est adressé à la mosquée d’El-Azar. Le moufti, les cheiks importans ayant refusé de répondre, un jurisconsulte moins scrupuleux, a bien voulu donner le fetva suivant après lequel je ne pense pas qu’il reste le moindre doute au lecteur européen.

Qu’en dites-vous ?


Certaines personnes, dépendant du gouvernement, ayant commis ce qui méritait un châtiment, le chef de l’état les a condamnées au bannissement et a confisqué leurs biens : cette condamnation est-elle conforme à la doctrine de certains législateurs ou complètement contraire aux dispositions de la loi (cheria) ?

Veuillez nous indiquer le législateur qui a traité cette question et l’ouvrage où elle est développée. Réponse. — Il est dit dans l’ouvrage Mouïa-el-Houkham qu’il est permis de punir par la confiscation des biens (doctrine d’Abou-Youssef, compagnon du grand iman Ali-Hanïfa) et quiconque prétendrait que ce texte est aboli ferait erreur, soit par tradition, soit par induction.

Dans le commentaire El-Mougtaba, il est dit, « que la manière de confisquer n’est pas indiquée, mais je suis d’avis (commentateur) que le chef de l’état peut s’emparer de leurs biens, savoir les confisquer, et s’il désespère de leur repentir (des condamnés), il en disposera comme bon lui semblera. »