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Dans l’ouvrage Fathe-el-Kadir, citant un paragraphe de El-Khoulassa, il est dit : « J’ai entendu d’une personne faisant autorité que la punition par la confiscation des biens est permise si le chef de l’état le juge à propos ; on ajoute que cela est basé sur l’opinion à laquelle se sont arrêtés sur la matière des jurisconsultes tels que Abou-Youssef. »

Enfin, dans le commentaire El-Nahbaouyeh, il est dit : « que la punition consiste aussi en le bannissement ; cela est dit également dans l’ouvrage El-Dourdi-el-Moukhtar et autres. »

Par conséquent :

La condamnation prononcée par le chef de l’état contre les personnes dont il est question dans la demande ci-haut posée est confirmée par les ouvrages sus-visés et ne s’écarte pas des opinions y contenues.

Signé : ABDER-RAHMAN EL-BAHRAOUI-EL-HANAFI.


O Pascal ! ô théorie des docteurs graves et des opinions probables ! ô éternelle similitude de l’esprit humain dans les civilisations, les milieux, les époques les plus différentes ! C’est en vertu du fetva ci-dessus que les Anglais ont autorisé, sinon ordonné, la confiscation des biens des insurgés. Il leur restait encore un dernier acte d’arbitraire à commettre, ils l’ont commis. Le jugement de la cour martiale, modifié par le décret du khédive, condamnait simplement Arabi et ses complices au bannissement. Il leur laissait le droit d’habiter où bon leur semblerait, fût-ce à Constantinople, fût-ce en Syrie, fût-ce en Cyrénaïque, pourvu que ce fût en dehors de l’Egypte et de ses dépendances. De quel droit les a-t-on internés à Ceylan ? On prétend qu’on leur a fait signer l’engagement de choisir pour leur résidence une possession anglaise et que ce n’est qu’à ce prix qu’on les a fait passer par un procès et un jugement d’opéra bouffe. Mais que vaut un engagement imposé par la force ? Et quel nouveau scandale si l’on a payé cet engagement d’un déni de justice ? Quoi qu’il en soit, les amertumes du départ ont été du moins adoucies autant que possible pour les insurgés. On leur a permis d’emmener avec eux leurs familles et leurs parens. Bien peu en ont profité, pensant sans doute que ce serait un déplacement inutile, leur retour devant être prochain. La femme d’Arabi, qui se trouvait dans un état de grossesse, n’a pu suivre son mari ; mais elle le rejoindra. C’est à Suez qu’a eu lieu l’embarquement sur un bateau prêté par l’Egypte. La veille, les insurgés ont dû quitter le Caire. Au moment où tous leurs préparatifs étaient faits, où ils étaient tous montés en wagon, sir Charles Wilson reçut une dépêche qui faillit amener un contre-ordre. La mer était mauvaise ; on ne pouvait pas exposer les futurs passagers aux inconvéniens d’une traversée